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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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volontaire avait excité sa curiosité.
    « C’est moi-même, reprit Sandrigo, qui ai prié monseigneur Dandolo de ne pas dire mon nom. Permettez-moi donc de me nommer moi-même. Un des premiers actes de votre haute magistrature a été de mettre ma tête à prix : je suis Sandrigo. Et je suppose que ce nom me dispense d’une longue présentation. »
    Foscari ne donna aucun signe extérieur des pensées qui l’agitaient. Il réfléchit que si le Grand Inquisiteur lui envoyait Sandrigo, c’est qu’il y avait sans doute utilité à ménager le bandit.
    Il se contenta donc de dire :
    « Vous êtes ici mon hôte, maître Sandrigo. Je veux oublier le reste pour un instant.
    – Eh bien, monseigneur, c’est justement ce reste que je suis venu vous prier d’oublier non pour un instant, mais pour toujours.
    – Vous parlez bien audacieusement, l’ami !
    – J’en ai peut-être le droit, monseigneur, dit le bandit, qui comprenait parfaitement qu’il jouait sa tête et que l’audace seule pouvait lui donner la victoire. J’ai rendu un grand service à la république. Je puis lui en rendre un autre plus grand encore et j’ajoute que, seul, je puis apporter ce que j’apporterai…
    – Quoi donc ? interrogea le doge.
    – La tête de Roland Candiano ! » répondit le bandit.
    Foscari ne broncha pas. Il s’exerçait depuis des années à conserver un visage impassible comme si son âme eût été au-dessus des sentiments qui agitent les autres hommes.
    En réalité, il éprouva une joie profonde.
    Sandrigo, cependant, continuait :
    « Pour preuve de ce que j’avance, monseigneur, je commence par vous dire que j’ai tué Scalabrino… Cet homme ne m’avait rien fait, à moi. Mais il était pour vous un redoutable danger.
    – Et en quoi ce bandit pouvait-il être un danger ?
    – En ce qu’il était le bras droit de Roland Candiano… Roland pensait, Scalabrino exécutait. A eux deux, ils étaient très forts. Roland tout seul est déjà plus faible, bien que tout-puissant encore.
    – Tout-puissant !…
    – Oui, monseigneur. Votre Grand Inquisiteur vous a dit que Roland Candiano est à la tête d’une véritable armée de bandits. Ce qu’il peut entreprendre, vous devez le supposer. Quant au but véritable qu’il poursuit, cela ne me regarde pas. Il suffit que je vous répète que, seul, je puis atteindre Roland, parce que seul je sais où il est et comment il faut le prendre… J’ai commencé par tuer Scalabrino sans intérêt personnel et c’est comme si j’avais arraché le poignard des mains de Roland. Maintenant voulez-vous me permettre une question ?
    – Parlez.
    – Savez-vous où est l’évêque de Venise ?
    – Le cardinal Bembo ! s’écria Foscari avec une agitation dont il ne fut pas maître.
    – Oui ! Le cardinal Bembo ! il est au pouvoir de Roland Candiano qui a sans doute quelque vieille haine à assouvir contre lui… je ne sais laquelle, ce n’est pas mon affaire. »
    Foscari devint pâle sous le regard fixe du bandit.
    Il ne la savait que trop, lui, cette haine !
    Et puisque Roland avait atteint Bembo, sans doute il saurait atteindre Dandolo, Altieri, et lui, Foscari !…
    Dès lors, il déposa le masque. Le bandit triompha.
    « Ce n’est pas le tout, reprit-il, que de savoir où se trouve le cardinal-évêque. L’essentiel est de le délivrer et de le ramener à Venise. Je m’en charge. Dès demain, monseigneur, l’évêque sera assis à cette place où je suis… si vous le voulez. Et puis ensuite… toujours si vous le voulez, je vous amène Roland pieds et poings liés.
    – Que faut-il pour cela ? demanda sourdement le doge.
    – Eh bien, maintenant que j’ai dit ce que j’apporte, je vais dire ce que je demande. Je suis las, monseigneur, de vivre hors la société. Je sens que je n’étais pas fait pour la vie errante, toujours sur le qui-vive, et que mes dons personnels ne peuvent se déployer à l’aise que dans une société privée… Bref, monseigneur, je désire désormais vivre dans Venise…
    – Vous avez grâce pleine et entière, dit le doge.
    – Je l’ai déjà, monseigneur, fit-il. Votre Grand Inquisiteur m’a octroyé la grâce que vous m’accordez. Vous ne me donnez donc rien, vous ?…
    – Que vous faut-il donc ?
    – Un grade honorable dans l’armée du capitaine général, quelque chose comme une lieutenance dans une compagnie d’archers ou d’arquebusiers. »
    Et voyant que le doge demeurait

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