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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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tout à fait assombri la bonne humeur du dominicain, Corbett déclara avec tact qu’il avait froid. Gratian les reconduisit donc vers les cuisines où les attendaient des gobelets de vin chaud épicé de muscade et un plateau garni de miches de pain, de fromage frais et de beurre. Puis Corbett se retira dans sa chambre. Ranulf et Chanson, obéissant aux instructions secrètes de leur maître, s’en furent errer dans le manoir en prêtant l’oreille aux conversations, rumeurs et ragots entendus dans la grand-salle, la cuisine et les écuries. Le magistrat vérifia quelques informations avant de se rendre à la petite chapelle. Il alluma un lumignon devant la statue en pierre noire de la Vierge et s’agenouilla sur le prie-Dieu rembourré. Il pria pour Maeve, ses enfants et le roi. Afin de calmer ses appréhensions, il entonna à mi-voix son hymne favorite à la Madone : «  Alma Virgo Dei  ». Après s’être signé, il retourna dans sa chambre où il se déshabilla, s’enveloppa dans une chape et dormit jusqu’à ce que Ranulf le réveille. Il se leva, se rasa, fit ses ablutions et revêtit ses meilleurs atours : un long justaucorps couleur de mûre sur une blanche chemise de batiste, des chausses noires et, aux pieds, une paire de bottes en cuir souple. Il passa à son cou la chaîne de son office et au majeur de sa main gauche la large chevalière frappée des armes royales.
    À présent installé dans la vaste salle de réception du château, Corbett espérait à part soi qu’il n’aurait pas à exercer le pouvoir que lui conférait cet anneau. Il sortit de ses considérations, prit ses aises dans sa chaire et consacra toute son attention aux doux chants provenant de la galerie des musiciens, auxquels firent suite les mélodieuses sonorités de la viole, du rebec et de la lyre. Du bout des doigts, il pianotait sur la nappe immaculée, signe qu’il appréciait la musique, tout en admirant la richesse de la pièce : le grand feu ronflant joyeusement dans la cheminée au manteau sculpté, le bois poli des piliers et des meubles, l’argenterie sertie de joyaux et l’exquise nef de table façonnée dans un jaspe précieux. On avait abaissé les grands chandeliers en forme de roues, chargés de lampes sur leur bord, afin de renforcer l’éclairage produit par les bougeoirs incrustés d’argent et les torches qui flamboyaient sur les murs.
    Corbett profita aussi de l’interlude musical et du silence qu’il exigeait dans la salle, aussi bien au haut bout qu’au bas bout de la table, pour examiner à loisir son hôte et les autres convives. Lord Scrope, habillé d’une somptueuse tunique rouge, doigts, bras et cou parés de bagues, de bracelets, de broches et de fermaux chatoyants, avait tout du puissant seigneur. Corbett l’avait rencontré des années auparavant et, le temps passant, le jugement qu’il portait sur le vieux compagnon de combat du souverain ne s’était guère amélioré. C’était un homme irascible. Son visage, laid, faisait penser à une chauve-souris et ses petits yeux pleins de fatuité et d’orgueil lançaient des éclairs. Un homme dangereux, conclut le magistrat, prompt à s’emporter et cruel, qui pouvait ordonner un carnage comme celui de Mordern sans scrupule ni regret. Lady Hawisa, à gauche de son époux, était bien différente, avec son joli teint d’ivoire, ses yeux gris sereins et sa bouche souriante. Elle portait une robe bleu clair à col montant, une ceinture filigranée autour de la taille et un voile couleur crème couvrait son opulente chevelure noire. Elle avait un rire gai, une voix chaleureuse et courtoise. Avant qu’ils aient pris place, elle avait questionné les clercs sur leur voyage, puis les avait priés avec grâce de se sentir chez eux au manoir de Mistleham.
    Corbett se pencha en avant pour mieux voir les invités. Ranulf était assis à gauche de Lady Hawisa. Le clerc principal à la chancellerie de la Cire verte avait d’emblée été séduit par la jeune femme. Corbett souhaita en silence que Scrope ne s’offense point de l’admiration évidente que portait Ranulf à son épouse et de la cour discrète qui s’ensuivait. Croisant le regard du père Thomas, il sourit et fit un signe de tête. Il avait eu l’occasion de voir le prêtre pendant la campagne du roi au pays de Galles. Le père Thomas, le visage dur et ridé sous des cheveux gris clairsemés, était sobre dans sa simple bure brune, mais la bienveillance de son regard

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