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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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compensait son austérité. Lors de leur rencontre précédant le banquet, le clerc avait remarqué que le prêtre, soucieux avant tout d’égrener le chapelet enroulé autour de ses doigts osseux, se contentait de tremper ses lèvres dans le vin. Près de lui se trouvait un individu d’une autre farine : Maître Claypole, le maire, maigre et nerveux tel un furet, les yeux rapprochés, le nez pointu comme plume taillée, la lèvre inférieure saillante, prête à argumenter. Corbett sentit qu’on lui effleurait le coude et se tourna vers une souriante Dame Marguerite, abbesse de St Frideswide, petite femme menue au minois avenant. Il avait bien du mal à admettre que cette élégante religieuse, au visage encadré d’une guimpe d’un blanc de neige sous un voile noir, était la soeur de sang de Lord Scrope. Elle jouait avec l’anneau d’or de son doigt, bijou blasonné d’un cerf, semblait-il, tout en battant doucement la mesure sur la nappe, prenant grand plaisir à la musique.
    — Mais je meurs de faim, dit-elle en se penchant avec un sourire malicieux, et mon chapelain est prêt à ronger son poing !
    Corbett adressa un signe de tête à Maître Benedict, qui, pendant que les musiciens exécutaient leurs airs, l’avait scruté, avec anxiété, les doigts sur les lèvres. Le magistrat détourna le regard pour dissimuler sa contrariété. Benedict Le Sanglier était un prêtre ambitieux détenant des lettres de l’archevêque de Bordeaux. Il avait, lors de leur entrevue avant le festin, tenté de les montrer à Corbett tout en déclarant qu’il était fort désireux de s’assurer un bénéfice à la Cour.
    — Je veux dire, avait-il plaidé, la mine édifiante, que mon intention est de me rendre utile : je suis des plus habiles en tant que clerc.
    Westminster, regretta Corbett, grouillait de ce genre d’hommes ambitieux. Benedict Le Sanglier était originaire de Gascogne, possession anglaise ; et maintenant qu’il se trouvait en Angleterre, il était bien résolu à faire son chemin en obtenant moult bénéfices par le biais du service royal. Corbett avait en définitive été sauvé par Ranulf qui lui avait chuchoté que le chapelain de l’abbesse, avec ses yeux clairs, son visage rasé de près et sa chevelure blonde coupée avec soin, n’était en réalité qu’un loup déguisé en mouton.
    Le magistrat sirota le vin doux puis se hâta de reposer son gobelet quand la musique cessa. Après le bénédicité, les trompettes, dans la galerie, lancèrent de longues sonneries aiguës au moment où les cuisiniers entraient en procession, chargés des plats principaux – venaison, porc, cailles, poisson, tous accompagnés de sauces piquantes –, pendant que les laquais couraient le long de l’estrade avec des pichets du meilleur clairet. C’était un vrai festin. Estimant que sa véritable tâche ne commencerait que le repas achevé, Corbett dîna avec appétit, mais but avec mesure. Il fut entraîné dans une conversation, courtoise bien que convenue, avec Lord Scrope et Dame Marguerite sur les agissements de la Cour, la politique de Westminster, la menace écossaise, le temps et le fait que le roi devait d’urgence mettre en oeuvre sa loi sur les grands chemins. On servit des fromentées et des pâtisseries. Acrobates, jongleurs, bouffons et fous se livrèrent à leurs voltiges. Le trouvère de Scrope, qui répondait au nom de Shilling, dirigea les ménestrels ambulants qui, pour le plus grand plaisir du magistrat, entonnèrent un vieil hymne de croisade.
    Puis le dîner prit fin. On laissa ripailler la piétaille – dont Chanson – qui avait pris place aux tables rangées le long des murs. Mais Lord Scrope et ses hôtes de marque – qui avaient eu les honneurs de l’estrade – se retrouvèrent dans le solar, à l’étage au-dessus. C’était une pièce confortable aux poutres apparentes. Des paravents, décorés de scènes tirées de la vie du roi Arthur, isolaient la vaste cheminée du reste de la salle. Chaires et tabourets avaient été placés devant le feu ronflant et, entre eux, des tables supportaient des gobelets et des cruches de vin et de bière. Scrope et Lady Hawisa s’installèrent au milieu et, d’un signe de la main, signifièrent aux autres de s’asseoir en respectant les préséances. Corbett fut d’abord surpris que tous aient été conviés, mais en déduisit que Lord Oliver devait voir en ses autres hôtes des alliés et des partisans. Quand les serviteurs se

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