Le porteur de mort
furent retirés, Scrope, un sourire hypocrite sur son visage luisant de sueur, fit un geste vers Corbett.
— Vous êtes le très bienvenu, Sir Hugh. J’ai cru comprendre que Sa Grâce vous avait envoyé régler certaines questions...
Il fit tourner l’anneau qu’il portait à l’auriculaire de sa main gauche.
— Celle du Sanguis Christi, déclara Corbett, désireux de couper court aux affabilités.
— Il sera remis, comme je l’avais promis.
— Et le poignard de l’assassin ?
— Lui aussi.
— À moi ?
— La dague du tueur appartient sans conteste au roi, admit Scrope.
— Elle a été volée par des félons.
— Appréhendés par Lord Oliver, précisa Maître Claypole, aidé en cela par la vigilance des loyaux sujets du souverain à Mistleham.
— En effet, en effet, reconnut Corbett, conciliant. Le larron Le Riche a tenté de la vendre à un orfèvre, n’est-ce pas ?
Claypole eut un petit sourire satisfait.
— En fait, à moi. Je suis aussi membre de cette guilde. J’ai attiré le voleur à l’échevinage, où les hommes de Lord Oliver attendaient pour l’arrêter.
— Ce poignard est bien d’or plané ? s’enquit Ranulf, l’air innocent.
Ils avaient, lui et son maître, mis au point ces questions pendant leur trajet.
— Mais non, non, répondit Claypole, déconcerté.
— Alors pourquoi le proposer à un orfèvre ? s’étonna Corbett. Je veux dire : n’avait-il pas d’autres biens dérobés dans la crypte ?
— Bien sûr que non ! s’insurgea Scrope. Que voulez-vous dire, Corbett ? Le Riche a essayé de vendre la dague en tant qu’objet de valeur. On lui a mis la main au collet, on l’a jugé et on l’a pendu. Je crois que d’autres coquins de la bande se sont livrés à ce genre de trafic dans différentes parties du royaume.
— J’étais présent, intervint frère Gratian.
— Vraiment ? releva Ranulf.
— J’ai confessé le captif, repartit le dominicain.
Le magistrat se rencogna dans sa chaire.
— Donc Le Riche a été arrêté à l’échevinage, on l’a désarmé et fouillé, on a trouvé le poignard sur lui et on l’a emprisonné. Est-ce exact ?
— Dans les cachots en sous-sol, explicita Claypole d’un ton sec.
— Le lendemain matin, il a comparu devant moi et Maître Claypole, énonça Lord Scrope.
Il désigna Benedict Le Sanglier.
— J’ai été témoin. La loi a été scrupuleusement respectée, bredouilla le chapelain. C’était un malandrin, Sir Hugh ! On l’a pris la main dans le sac, c’était un traître...
— J’ai pouvoir de haute et de basse justice en cette contrée, vociféra Lord Oliver. Vous ne l’ignorez pas, Sir Hugh ! Le Riche était, de son propre aveu, un scélérat, un félon arrêté sur le fait, proscrit de façon officielle par la Couronne, qui m’avait fait tenir des lettres ainsi qu’au shérif de Colchester. En accord avec les instructions, je l’ai appréhendé, jugé et pendu.
— Vous auriez pu reporter l’exécution afin qu’on l’interroge plus avant.
Scrope écarta la remarque d’un geste.
— Il ne s’agissait que d’un vil coquin, s’enfuyant avec un objet dérobé au trésor royal, déclara-t-il. Il était incapable de dire quoi que ce soit, de nous fournir un renseignement ; il ne pouvait que demander grâce. Je me suis en effet montré pitoyable : frère Gratian l’a confessé et absous, je lui ai donné du vin et du pain, une cellule confortable.
Il haussa les épaules.
— Puis je l’ai pendu.
— C’est exact, intervint Dame Marguerite, tout sourire. Maître Benedict, ici présent, assista en toute légalité à l’exécution.
— Et... ? s’enquit Corbett en se tournant vers le chapelain.
— Il semblait avoir perdu l’esprit, répondit Maître Benedict. Il était affalé dans la charrette des exécutions, n’est-ce pas, frère Gratian ? Mais vous étiez là aussi, je crois, père Thomas ?
— Ce n’était qu’un malheureux, expliqua le curé, les cheveux longs, barbu et en haillons. C’est à peine s’il pouvait se lever pour monter à l’échelle. Le bourreau a dû le soutenir.
— Est-il vrai que lors de son arrestation il ne portait que le poignard de l’assassin volé à Westminster ? insista le magistrat.
Lady Hawisa, son joli visage empreint d’inquiétude, prit la parole.
— Qu’insinuez-vous, Sir Hugh ? J’étais à Mistleham avec mon époux quand Maître Claypole a dépêché un messager pour
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