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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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yeux durs et noirs ; le nez un peu tordu dominait des lèvres exsangues et pincées : un chasseur, conclut Corbett. Le discours de Gratian était clair, ses mouvements vifs, précis, et il soulignait sans cesse ses propos en agitant ses doigts osseux et effilés. C’était, en déduisit le magistrat, un homme pour qui la justice passait avant la compassion et qui, semblait-il, voyait en Lord Scrope un véritable pilier de notre sainte mère l’Église. La présence des clercs royaux avait d’abord inquiété le dominicain, mais, en fin de compte, il interpréta le silence attentif de Corbett comme une approbation et il l’emmena faire le tour du domaine, entraînant Ranulf et Chanson à la suite. Le clerc principal de la chancellerie de la Cire verte, fixant d’un oeil furibond l’arrière du crâne dégarni du prêtre, se rappela ce jour fatal à Newgate où, il y a bien longtemps, il avait été sorti de sa geôle pour être conduit à la potence en punition d’une série de petits méfaits. Un dominicain l’avait absous alors qu’il attendait la charrette des exécutions et lui avait affirmé que son séjour au Purgatoire serait long : piètre consolation après avoir eu le cou étiré aux Elms, s’était dit Ranulf. Quelques instants après, Corbett avait surgi ; « Maître Longue Figure » l’avait scruté de cet étrange regard amusé, et la vie de Ranulf avait été transformée. Il claqua de la langue. Il finit par attirer l’attention de Chanson et se mit à imiter avec talent les manières affectées du dominicain pendant qu’il leur montrait la grand-salle, le solar, la chapelle privée – un vrai joyau –, les cuisines et les dépenses pleines de vapeur et d’alléchants effluves où les cuisiniers vaquaient au festin du soir.
    Le magistrat était bien décidé à enquêter sur la tension qu’il sentait dans le manoir. Dans la cour, il avait déjà aperçu les cadavres des deux gros chiens de chasse dont les pattes sortaient de la toile grossière qui les recouvrait. Qui plus est, frère Gratian paraissait fort peu disposé à leur faire franchir le portail situé à l’arrière de la demeure. Corbett insista avec courtoisie et le dominicain finit par les escorter dans l’allée menant au sommet de la colline qui descendait en pente douce jusqu’à l’île des Cygnes et son impressionnante retraite. Le cercle d’eau scintillante, les débarcadères qui se faisaient face, les marches abruptes devant la solide porte de l’abri séduisirent d’emblée le magistrat. Puis il fut distrait par de grandes taches rougeâtres près de la rive du lac, similaires à celles qui se trouvaient plus haut sur la butte, près des vestiges d’un feu proche d’un bouquet d’arbres.
    — Que s’est-il passé ? s’enquit Ranulf en observant les gens de Lord Scrope, vêtus de sa livrée, qui couraient en tous sens sous les arbres.
    On distinguait des cavaliers au loin : c’étaient sans nul doute le seigneur et ses compagnons qui cherchaient quelque chose.
    — Que s’est-il passé ? insista-t-il.
    — Le Sagittaire, répondit frère Gratian à contrecoeur. Un mystérieux archer qui terrorise Mistleham. Il a déjà abattu un certain nombre d’innocents. Il paraît, continua-t-il en hâte, que la nuit dernière ou tôt ce matin, il s’est introduit dans le domaine du château. Lord Scrope s’était rendu dans sa retraite.
    Le dominicain désigna l’île.
    — Pourquoi ?
    — Pour prier, réfléchir, méditer.
    — Pourquoi ? répéta Ranulf.
    Un sourire glacial fendit le sévère visage morose de son interlocuteur.
    — Le mieux est de vous en enquérir auprès de Lord Scrope, éluda-t-il. Le Sagittaire a commis une violation de propriété. Il a tué les mastiffs, leur a tranché la tête et les a fichées sur des pieux près du débarcadère. Lord Scrope était furieux.
    À présent, le religieux se montrait plus bavard.
    — C’est pour cela qu’il n’a pu vous accueillir ; quant à Lady Hawisa, elle a regagné ses appartements.
    — Pourquoi avoir abattu les mastiffs ? insista Ranulf. Ont-ils servi lors du massacre de Mordern ?
    — Ce n’était pas un massacre, rétorqua Gratian. Il s’agissait d’anéantir un nid d’hérétiques, de luxurieux fornicateurs et de larrons, mais c’est vrai, reconnut-il en regardant Ranulf dans les yeux, que les chiens ont été utilisés pendant l’assaut contre cette bande sans foi ni loi à Mordern.
    La conversation ayant

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