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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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sang chaud avait été répandu, là où des vies avaient été soufflées comme la mèche d’une chandelle. Il rassembla les rênes et, d’un coup d’éperon, poussa son cheval en avant. Le portail s’ouvrit. Les hommes sortirent au petit galop et le maire éprouva une réconfortante impression de puissance en entendant le martèlement des sabots. Ils traversèrent la place du marché. Chenapan, dans son accoutrement clinquant, était, comme d’ordinaire, assis près de l’abreuvoir à chevaux près de l’église. Il sauta sur ses pieds à l’approche de Claypole et se précipita vers lui en cabriolant et en tendant les bras.
    — Messire le maire, Messire le maire ! cria-t-il. J’ai des nouvelles !
    L’édile ramena sa monture au pas et fixa le pauvre hère qui, au comble de l’agitation, le visage blême de froid, les yeux fous, la bouche pleine, hurla :
    — Le Sagittaire est revenu ! Je sais qu’il est ici. J’attends ma récompense.
    À peine se fut-il tu que la sonnerie aiguë d’une trompe de chasse déchira le silence. Même les miséreux qui dormaient dans les sombres recoins de la place se réveillèrent et s’enfoncèrent plus avant dans l’ombre. Une autre sonnerie. À présent, les hommes de Claypole entraient en action, faisaient volter leur monture, épées à demi tirées, cherchant à débusquer le danger. Une troisième sonnerie. Claypole descendit en hâte de cheval et tenta de placer l’animal entre lui et un éventuel assassin. Il entendit la vibration semblable à celle des cordes pincées d’une harpe, puis le sifflement d’un trait rapide. Un cri fit broncher Chenapan. Claypole le vit avec horreur reculer en titubant, une flèche profondément fichée dans la poitrine. Le fol essaya de garder l’équilibre. Il battit des mains, l’air affolé, ouvrant et fermant la bouche alors même que le sang jaillissait. Une autre flèche fendit l’air suivie du gargouillement d’un homme qui s’étouffe dans son sang. Le maire déplaça son cheval. Chenapan avait été l’unique cible. Le malheureux s’était écroulé sur les genoux, un trait sur le côté de la gorge achevant l’oeuvre de celui qu’il avait dans la poitrine. Chenapan, lèvres ouvertes, le sang gouttant de sa bouche, lança un regard vitreux à Claypole, puis il s’effondra à plat ventre et, dans les affres de l’agonie, retomba sur le dos.

 
    CHAPITRE V
    « Ils demeurèrent là deux nuits [...]
avant de se diriger en armes vers Westminster. »
    Palgrave, Calendriers de l’Échiquier.
    Claypole, laissant libre cours à sa fureur, à sa peur, cria à ses hommes de se disperser et de commencer les recherches alors même que Corbett, Ranulf et des gens du manoir débouchaient au galop sur la place. Claypole contempla les cavaliers de tête. On se serait cru dans un rêve. L’espace d’un instant, on eût dit que ces deux clercs royaux sur leurs hauts destriers, chapes au vent, capuchons relevés, leurs montures se déplaçant latéralement dans un halo brumeux de sueur et de souffle chaud, étaient des Anges de la Mort entrant dans Mistleham. Le maire s’obligea à sortir de cette lugubre rêverie et embrassa les environs du regard. Déjà, en dépit de l’heure matinale, le vacarme avait éveillé les nombreuses familles vivant dans le dédale de chambres, pièces, greniers et galetas qui bordaient la place. Les contrevents claquaient, les chandelles et les lanternes brillaient aux fenêtres, les portes s’ouvraient en grinçant, les chiens aboyaient.
    Le père Thomas, une étole autour du cou, surgit sous le grand porche de son église et, glissant et dérapant, s’avança en hâte. Il contempla d’un oeil apitoyé Claypole et l’escorte de Corbett avant de s’agenouiller près de l’homme à terre. Chenapan n’était pas encore mort : ses jambes tremblaient ; ses pieds, dans ses misérables bottes éculées, s’agitaient encore sur les pavés.
    — Jesu miserere, murmura le prêtre.
    À plat ventre dans la neige fondue, il chuchota le Absolvo Te, l’absolution, à l’oreille du mourant, puis ouvrit le petit ciboire et introduisit de force l’hostie entre les lèvres de Chenapan avant d’oindre, d’un geste vif, le front, les yeux, les lèvres, les mains et les pieds du moribond.
    Le magistrat, à cheval, emmitouflé dans sa chape, se signa et récita à voix basse le requiem. Ranulf l’imita tout en se retournant sur sa selle pour examiner promptement la place. Les hommes de

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