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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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différent : un trait lâché de sous un bouquet d’arbres, un poignard ou une hache fendant l’air, une corde tendue au bon endroit ou une chausse-trape pour faire trébucher un cheval. C’était un paysage de danger blanc hébergeant Dieu seul sait quel fléau sorti furtivement de l’Enfer. Ici le Sagittaire pouvait se dissimuler dans la nature. Pour apaiser son angoisse, Corbett pensa à Maeve et sourit en se remémorant les vers d’une ballade qu’elle lui avait lus pendant la sainte période de Noël.
    Une femme au visage plus beau
Que toutes les beautés assemblées en une seule.
    Ranulf, qui chevauchait derrière son maître, prit la parole :
    — Qu’en est-il de ce village, Mordern ?
    — Hanté et dévasté, répondit Claypole. Comme je l’expliquais à Sir Hugh...
    Ses mots moururent alors que, quittant le couvert de la forêt, ils pénétraient dans une spacieuse clairière aux arbres enneigés et aux ajoncs disséminés sous un linceul de glace. Corbett fit ralentir sa monture et contempla les bâtiments en ruine, privés de toit depuis longtemps, dont le clayonnage enduit de torchis n’était plus qu’une coque effritée. De-ci, de-là se dressait un abri en pierre. Au fond de la clairière s’élevait le mur délabré et moussu du cimetière, derrière lequel les pierres tombales de disparus depuis longtemps oubliés entouraient ce qui restait de l’église. Le magistrat examina cet ancien lieu de culte, sans doute érigé avant l’arrivée des Normands, avec sa vaste et simple nef, ses porches saillants et sa tour carrée trapue. C’était jadis un édifice impressionnant, mais le toit de tuile s’était effondré, les fenêtres n’étaient plus que de noirs trous vides et nulle porte, nulle grille n’en protégeait les accès.
    — D’aucuns l’appellent la chapelle des damnés, précisa Claypole à mi-voix.
    Corbett lui lança un coup d’oeil.
    — J’ignore pourquoi, bégaya le maire.
    Le clerc se contenta d’un signe de tête, conscient du malaise grandissant qui s’emparait de son escorte.
    Ranulf tendit sa main gantée de noir :
    — Regardez, Maître, les corps !
    Corbett plissa les yeux, souhaitant en secret avoir une meilleure vue. Les murmures, derrière lui, s’accrurent au fur et à mesure que les hommes apercevaient les horribles fruits de l’oeuvre sanglante de Scrope. Corbett se demanda combien de ceux qui l’accompagnaient avaient été présents lors de l’épouvantable assaut.
    Ranulf désignait encore quelque chose :
    — Sir Hugh ?
    Le magistrat plissa les yeux derechef, fouilla l’endroit du regard et réprima un hoquet d’horreur. La neige cachait le sanglant carnage, mais il apercevait maintenant les inquiétants tas éparpillés autour de l’église, des blocs durcis par le gel et enneigés. Chacun était un cadavre, que seuls un éclat de couleur ou la jambe bottée et raidie qui en était sortie dans les convulsions de la mort permettaient de reconnaître. Suivant l’indication donnée par Ranulf, Corbett scruta, à gauche de l’église, le boqueteau dont les branches semblaient s’incliner sous le poids de la neige. En réalité il s’agissait de pendus, la tête de côté, les mains liées dans le dos, les pieds ballants. Le père Thomas et Maître Benedict avaient déjà entonné le De profundis. Un jouvenceau de l’escorte sanglotait sans bruit. D’autres soldats juraient.
    — Vous y étiez, Maître Claypole ?
    — Vous ne l’ignorez pas.
    — Alors vous savez ce qu’il faut faire.
    Corbett fit avancer son cheval et s’arrêta devant l’un des corps. Heureusement, un masque de gel couvrait le visage putréfié. La décomposition et les charognards lui avaient ôté toute dignité. Le clerc mit pied à terre, laissa Chanson entraver sa monture et entra sous le porche. Le cadavre d’une femme, en longue robe rouge, gisait tout près. Il aperçut la pierre tombale mentionnée par frère Gratian. Il était évident qu’elle avait servi à aiguiser des lames. Il s’accroupit près de la dépouille couchée sur le ventre. Une épaisse boue avait collé les cheveux jadis blonds et une partie du bras étendu était rongé jusqu’à l’os. En dépit du froid mordant, Corbett sentit l’odeur de la corruption. Il déglutit, se signa et se releva.
    — Détachez tous les corps ! cria-t-il. Vous, Messire (il fit signe à Robert de Scott, le capitaine de l’escorte de Scrope), partagez-vous, ramassez du bois sec et

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