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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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été adressées, elles n’ont pas encore été suivies d’effet. Mais le temps passe, il se fait tard et nous devons nous retirer.
    Il se détourna, bien décidé à ne pas laisser le dernier mot à son interlocuteur.
    — Demain matin, avant la première messe, Maître  Ranulf et moi nous rendrons à Mordern quérir les dépouilles des Frères du Libre Esprit pour les enterrer décemment. Père Thomas, Maître Benedict et vous, frère Gratian, j’aimerais que vous nous accompagniez. Il faudra réciter l’office des morts et observer la loi de notre sainte mère l’Église.
    Il leva la main.
    — Je vous souhaite une bonne nuit...
    À l’échevinage de Mistleham, Maître Henry Claypole, debout dans l’embrasure de la grande fenêtre en encorbellement ouvrant sur la place du marché, contemplait les pavés verglacés. Une légère couche de neige fraîche était tombée. Le maire y voyait une grâce divine destinée à cacher les bassesses et la vilenie des actions humaines. Il avait mal dormi. Il avait organisé les principales recherches dans le domaine, mais n’avait découvert aucun indice indiquant où s’était trouvé le Sagittaire. Quelques-uns de ses compagnons avaient même prétendu que le son de la trompe venait de l’autre côté des murailles. En rentrant au manoir, il avait constaté que Lord Oliver était de fort méchante humeur. Corbett avait décidé de se rendre à Mordern, et Claypole ainsi qu’une escouade de soldats de l’échevinage devaient l’escorter. Il fallait surveiller l’émissaire royal ! L’arrivée des envoyés du roi avait profondément troublé Claypole. Corbett était sombre et renfermé comme un faucon sur une branche et, impavide, s’intéressait autant au présent qu’au passé, tandis que l’autre, Ranulf, avec ses cheveux roux bien coiffés attachés sur la nuque, ses longs doigts blancs caressant sans cesse le pommeau de son épée, ses yeux verts perçants auxquels rien n’échappait, ses lèvres contractées en un sourire à demi cynique... Claypole avait déjà rencontré ce genre d’hommes, imbus de leur pouvoir. Pourtant Ranulf était différent. Il brûlait de l’exercer, quelles qu’en soit les conséquences. Lui et Corbett étaient deux juges chargés de sonder les reins et les coeurs. Claypole maudit in petto Lord Scrope. C’était lui la racine, l’origine de tous ces arias. Il ne savait tout simplement pas s’arrêter, renoncer, dire qu’il en avait assez et n’en voulait pas davantage.
    Claypole scruta la brume qui montait. Il faisait encore sombre ; même les marchands les plus diligents n’étaient pas encore arrivés. Tout était donc calme. Il baissa avec agacement les yeux sur la place déserte. Il se revit là, tant d’années plus tôt, prêt, avec beaucoup d’autres, à pénétrer dans St Alphege pour se prosterner et prendre la croix. Il y avait si longtemps, ils étaient alors si innocents, si purs... qu’en était-il maintenant ? Il tentait toujours d’oublier Acre ; le feu qui faisait rage, les horribles roulements de tambour des ennemis, leurs bannières vertes claquant dans le vent sec, les hurlements aigus du combat, la terrible nouvelle : des brèches avaient été percées dans les remparts et ils devaient battre en retraite. Scrope avait indiqué en hurlant à ses frères d’armes quelle direction prendre. Gaston gisait, blessé, à l’infirmerie. Les rêves de Claypole étaient hantés par le chaos qui s’était ensuivi. Durant les derniers jours, tandis que les fusées enflammées des Sarrasins embrasaient le ciel au-dessus de leur tête, les cimeterres et les poignards des derviches en robe blanche se levaient et s’abattaient avec la régularité de la faux des moissonneurs. Scrope avait pris un risque insensé pour fuir le terrifiant cauchemar. Oui, ils avaient pu s’échapper ! Ils étaient revenus en Angleterre, acclamés en soldats du Christ, en croisés, en croyants qui s’étaient montrés fidèles à leurs voeux. Ils étaient aussi, se dit Claypole, rentrés fort riches, résultat du pillage perpétré par Scrope dans le trésor du Temple. Pendant quelque temps, tout s’était bien passé, tout avait été paisible et fort agréable. Maître Claypole s’était établi et avait épousé la fille d’un orfèvre, mariage qui lui avait permis de s’élever un peu plus dans le monde. Une union heureuse, constata-t-il. Sa femme, une âme candide, que ne rebutaient pas les joutes du lit,

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