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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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rôdait dans les bois en quête d’une proie surtout par une sombre journée semblable à celle-ci. Corbett eut un sourire amer. C’était comme pendant les marches en Écosse ou dans les vallées galloises : plus le silence oppressant se prolongeait, plus il devenait pénible. Il respira à fond et, à la grande surprise de tous, entonna avec mélancolie un refrain populaire évoquant une belle jouvencelle dans une tour. Les mots étaient familiers, l’air facile à mémoriser. Au bout de quelques minutes, d’autres voix s’élevèrent. La mélodie résonna dans le froid, apportant un peu de chaleur, apaisant les peurs quant à l’avenir, adoucissant le souvenir de Chenapan se débattant dans les affres de la mort. Quand la chanson prit fin, Corbett retint son cheval et se tourna vers Claypole qui le scrutait avec curiosité.
    — Rien ne vaut un chant, Maître Claypole. Bon, et ce village, comment s’y rend-on ?
    Le maire désigna la sente qui serpentait entre les arbres.
    — Il n’y a qu’un chemin, Sir Hugh.
    — Pourquoi Mordern est-il abandonné ?
    Claypole rabattit le col de sa chape, pressé d’impressionner le clerc.
    — Il a été complètement détruit, il y a environ quatre-vingt-dix ans, pendant la guerre civile entre l’aïeul du roi et ses barons. Un massacre fut perpétré autour de la vieille église ; l’endroit devint maudit. Certains prétendent que les ancêtres de Lord Scrope répandirent du sel sur la terre pour obliger les survivants à partir.
    — Et vous ? questionna Corbett.
    — Oh, je pense que le village se trouvait trop au fond des bois. Ses habitants n’avaient pas les moyens d’abattre les arbres et de labourer. Ils ont tout simplement pris prétexte de la guerre pour aller s’installer ailleurs.
    — Lord Scrope a donc autorisé les Frères du Libre Esprit à se réfugier là ?
    — Pourquoi pas ? déclara Claypole. D’autres ont agi de même. Nous ne pouvons pas faire grand-chose pour empêcher rétameurs ambulants, marchands, voire, de temps en temps, un hors-la-loi ou des bohémiens, de s’arrêter dans les parages. Lord Scrope leur permet de s’y abriter et de piéger parfois un lapin pour le mettre au pot. Tant qu’ils ne commencent pas à braconner ou à chasser du gros gibier, il n’en a cure. En été, c’est différent : les enfants y viennent jouer. Quand j’étais jeune, j’avais l’habitude de suivre Lord Oliver, sa soeur Marguerite et leur cousin Gaston en ces lieux.
    — Qu’est-il arrivé à leur cousin ? voulut savoir le magistrat.
    — Il a été blessé à Acre et conduit à l’infirmerie. Sir Hugh, si vous lisez les comptes rendus sur Acre, ou si vous avez des renseignements sur la chute de cette forteresse, vous savez que c’était chacun pour soi. Gaston a péri. Nous ne pouvions rien faire.
    — Comment savez-vous qu’il est mort ?
    — J’ai accompagné Lord Scrope quand nous avons décidé de battre en retraite. Il était résolu à emmener Gaston avec nous, mais quand il est entré dans l’infirmerie, Gaston avait trépassé.
    — Et le trésor du Temple ?
    — Pourquoi ne pas nous en emparer, Sir Hugh ? Les combats avaient été rudes, les Infidèles avaient percé les remparts. Pourquoi auraient-ils mis la main sur ce que nous pouvions emporter ? Nous avons donc pris tout ce était à notre portée et nous sommes enfuis.
    — Et Chenapan ? demanda Corbett. Qu’a-t-il dit avant de mourir ?
    — Oh, des sornettes, comme d’ordinaire ! Il affirmait que le Sagittaire était revenu, il réclamait une récompense. Ce n’étaient que balivernes.
    Le clerc médita sur ce qu’il avait vu et entendu sur la place du marché.
    — Je m’interroge, murmura-t-il, je m’interroge vraiment !
    La conversation cessa quand ils s’avancèrent sous les arbres. C’était un autre monde : un enchevêtrement d’ajoncs couverts de neige qui reliaient entre eux, comme une chaîne, les austères troncs noirs dont les branches nues et entrelacées se découpaient sur le ciel. L’endroit était secret, mystérieux : mouvements vifs sous le couvert, battement fantomatique d’ailes d’oiseau, cri soudain d’un animal, craquement d’une branche pourrissante. Corbett glissa ses mains sous sa chape. Il comprenait la peur que ce genre de lieux inspirait à Ranulf. Dans les cités, les villes, la chancellerie de l’Enfer se livrait à ses méfaits à partir de venelles ou de sombres recoins. Ici c’était

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