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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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passé la plus grande partie de la nuit à l’infirmerie. Corbett se frotta les yeux. Il avait bien dormi, d’un sommeil pourtant entrecoupé de cauchemars.
    Après la messe, il échangea quelques mots avec Lady Hawisa avant de rejoindre Ranulf et Chanson dans l’arrière-cuisine où ils déjeunèrent de pain, de fromage, de beurre et de petite bière. Le magistrat n’avait pas encore arrêté l’emploi du temps de la journée. Il envisagea avec Ranulf la possibilité de former un tribunal régulier d’Oyer et Terminer, qui jugerait au nom du souverain et ferait prêter serment aux personnes convoquées. Il songea à l’éventualité que les prêtres, Maître Benedict, frère Gratian et le père Thomas, se prévalant du privilège de clergie, prétendent répondre à la cour ecclésiale plutôt qu’à celle du roi. Néanmoins, il estima qu’un tel pas en avant était possible. Une chose était sûre : il interrogerait derechef Lord Scrope pour tenter d’obtenir des réponses cohérentes à ses questions. Ranulf et lui étaient sur le point de quitter l’office quand il entendit résonner une cloche dans le lointain. Un valet se dressa d’un bond.
    — Qu’y a-t-il, l’ami ? s’enquit Ranulf.
    — C’est Lord Scrope, répondit le serviteur. Cette alarme est celle de la retraite.
    Corbett, Ranulf et les autres sortirent en trombe de l’arrière-cuisine, traversèrent la cour, franchirent la porte de Jérusalem et descendirent le versant glacé et glissant en direction de l’île des Cygnes. Le clerc s’arrêta à mi-chemin et embrassa la scène du regard dans la lumière grise du matin. Le père Thomas, s’extirpant d’une embarcation, s’efforçait de monter sur l’embarcadère ; devant la retraite dont la porte était ouverte, Dame Marguerite frappait le gong pendu à l’extérieur. Corbett se précipita, dérapant parfois sur la glace, suivi de Ranulf qui, lorsqu’ils furent à la jetée, se retourna et intima à la valetaille de reculer. Corbett aida le père Thomas qui cherchait encore à reprendre haleine.
    — Que se passe-t-il ?
    Le prêtre, les yeux larmoyants à cause du froid, semblait éperdu.
    — Sir Hugh, c’est Lord Scrope. Il a été assassiné ! Vous feriez mieux de venir.
    Corbett prit place dans le bateau. Ranulf et le père Thomas en firent autant. L’esquif tanguait dangereusement. Le batelier les pria de s’asseoir. Lui aussi était blême, bouleversé par ce qu’il avait vu. Il tira sur les rames, et la nacelle fendit l’eau froide jusqu’à l’autre bord.
    — Faites attention, recommanda le marinier en rentrant les avirons et en faisant glisser le bateau le long du ponton.
    Corbett et Ranulf débarquèrent et gravirent les marches vers le seuil où se tenait Dame Marguerite. Livide, les yeux écarquillés, elle pouvait à peine parler tout en précédant Corbett dans la retraite. Le magistrat examina les lieux. Les contrevents étaient clos derrière les tentures de laine bleue et de cuir. La pièce fleurait le vin et la cire d’abeille ; deux ou trois chandelles crépitaient dans la pénombre. Corbett remarqua la richesse et la somptuosité, les objets luxueux, les tapis sur le sol, les lourdes tapisseries qui ornaient les murs, les tabourets sculptés avec goût, les tables, les chaires, le large lit dans l’alcôve, au fond, les décorations d’argent et d’or reflétant la lumière. Il nota aussi la fenêtre qui se trouvait immédiatement à sa droite. Ses draperies avaient été arrachées, ses volets de bois brisés.
    — C’est là que nous avons forcé l’entrée, murmura l’abbesse.
    Corbett leva la main. La retraite empestait le luxe, pourtant autre chose était tapi dans l’ombre, un mal après lequel le magistrat avait couru durant toute sa vie d’adulte : le meurtre brutal et barbare. Il lui fallait avancer plus avant pour voir, pour inspecter l’horreur qui l’attendait plus loin dans l’obscurité. Il se dirigea vers la forme noire qui, affalée dans la grande chaire, se profilait dans la faible lumière. Lord Scrope, les mains crispées sur les accoudoirs, la tête un peu renversée, y était assis, yeux exorbités, bouche entrouverte, nez et lèvres ensanglantés. Les affres du trépas ajoutaient encore à la laideur de son visage. Il avait la poitrine transpercée par la dague de l’assassin enfoncée jusqu’à la garde, la dague qui appartenait au roi. Son ruban rouge fané était toujours attaché au

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