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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tristan, l’Angleterre !
    Deux nefs superbes puis une hourque flamande avaient croisé le vaisseau de France. On avait échangé des saluts de la main. Bien avant la tombée de la nuit, le vent avait sauté, obligeant l’équipage de Calletot à brasser les vergues sur bâbord. Tout aussi brusquement qu’ils s’étaient apaisés, les souffles avaient repris, cette fois issus du nord. Le bâtiment s’était animé, empli de bruissements et d’échos éveillés par le heurt des lames contre la coque, auxquels se mêlaient les crissements des voiles et des membrures et les sifflements des rafales dans les haubans et les enfléchures.
    – Dieu nous aide, commenta Calletot. À moins que ce ne soit Neptune… Mais le succès de votre entreprise dépend surtout de l’apperteté 173 de vos hommes. Et j’en reviens à la confiance. Tout est là !
    – J’ai confiance.
    « En suis-je si certain ? » se demanda Tristan.
    Et regardant la mer de plus en plus sombre et clapotante, il se souvint de cette soirée à Vincennes, dans le logis des hommes d’armes mis à leur disposition pour qu’ils pussent y partager en commun leur premier repas et leur première nuit. Presque une buverie. Ses hommes et ceux du dauphin – «  des soudoyers à toute épreuve, Castelreng » – hurlaient dans les notes aiguës ou grondaient dans les basses en se portant la santé à grands coups de gobelet, et si le ton différait, la conviction de réussir restait solide. «  On t’aura, prince de Galles ! On te prendra et te pendra, Woodstock  ! » Des poings se tendaient et l’on eût pu penser que l’héritier d’Angleterre se trouvait à proximité de la petite salle, accroupetonné, tremblant de peur. Quelques lames déjà scintillaient hors des poings.
    – Avant de chevaucher pour le Crotoy, mes hommes ont fêté leur rassemblement. Il y eut tant de vacarme que je me serais bouché les oreilles si je n’avais craint d’offenser quelques outrageux !
    D’autres que lui, ce soir-là, se seraient réjouis de cette frénésie de convictions assemblées dans l’espérance de réussir un ravissement prodigieux. D’autres que lui se seraient égayés de ces gesticulations violentes où s’exprimait l’union de dix hommes pourtant dissemblables en tout. D’autres que lui auraient cautionné ces gageures, ces enjeux proposés par les uns, acceptés par les autres, tout cela ramassé, comprimé, confondu entre quatre murs moites, dans la fumée des rôtis, la flaireur des sueurs et la clarté de deux grosses lanternes où s’en venaient périr quantité de bestioles. Maintenant, les dix champions avaient perdu leur bonne humeur. À peine croyaient-ils avoir digéré le pain, le bouilleux 174 et la tourte aux herbes servis par le timonier, qui était aussi le queux de la Goberde, que leur estomac les avait trahis : cinq d’entre eux s’étaient précipités sur le pont pour tout rejeter dans la mer.
    – Nous approchons, messire. Je vous ferai descendre deux buissars 175 . Peut-être, à votre retour, contiendrez-vous dans un seul.
    – Le régent et le roi auront eu leurs héros.
    – Les uns vivants et sans doute navrés, les autres victimes de la male chance.
    – Si tous ces sacrifices pouvaient servir le royaume… Je ne songe point à ceux qui le gouvernent, mais aux petits qui paient cette énorme rançon…
    – Vous y croyez, messire Tristan, à ce grandissime exploit ? Je sais bien que vous ferez en sorte de réussir, mais…
    – Cette royauté, Calletot, compte plus de martyrs que de bienheureux… Vous avez même vu, en quittant le Crotoy, que je n’avais pas le pied marin… Je m’y suis fait… Peut-être un jour, le prince Charles me confiera-t-il une petite nef comme la Goberde… car j’espère bien revenir avec la plupart de mes gens !
    – J’en ai assez, moi, de la commander. J’étais avec mon père à l’Écluse. Je ne sais encore comment, après cette boucherie sur l’eau, j’ai été capable de revoir mon pays… J’y suis revenu en courant. Et pour cause : les Flamands me pourchassaient… Mon père était mort dans mes bras. J’ai décidé de prendre sa suite et navié 176 comme par devoir envers lui… J’étais à Winchelsea, messire, mais je suis demeuré sur la Goberde pendant que les hommes d’armes réduisaient la cité et ses habitants en cendres et fumées… Je reste vergogneux de ce débarquement… Je me dis parfois que je connais la mer bien mieux que

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