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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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belle et bonne, dit-il.
    Oui, un bon navire. Petit mais construit avec soin d’un bois de chêne résistant comme un fer. Elle rampait sur la mer comme une anguille, les ailes ouvertes comme une alouette, selon ce Breton agaçant. Maintenant l’eau chantait sur ses flancs tandis qu’à bâbord et tribord, des mouettes tourbillonnaient quelques fois encore avant d’aller se nicher dans ce qui semblait être des falaises.
    – La nuit va nous tomber dessus !
    – Oui, Callœt… Le vent nous a moult aidés. La mer s ’aquasse (484) .
    – Nous avons contourné le Kent et nous venons au lof… Tout est bien… Foi de Calletot, tout est bien. Point besoin d’un guetteur en haut d’un mât… Je vous avais dit qu’au crépuscule du soir nous entrerions dans l’estran 178 de la Tamise, eh bien, nous y sommes et je n’y vois que des esquifs, des petites nefs… Nous allons allumer nos feux… mais nous les éteindrons quand il le faudra…
    – Vous croyez aisément trouver l’endroit le plus propice à notre débarquement ?
    – Oui, messire… À la lueur de la lampe, avant notre départ, j’ai examiné le portulan que mon père a dressé de l’Angleterre… Je le connais par cœur. La nuit n’est pas tout à fait tombée… À senestre, il nous faut compter quatre tours à feu. Alors, nous y serons presque…
    Paindorge apparut sur le pont.
    – Tout va bien en bas ?
    – Oui, messire.
    Le temps passa, l’obscurité se fit. Un phare puis un autre. Un autre encore. Le vent mollit alors et les voiles, sans rôle, cessèrent de se gonfler. La mer parut se solidifier sur des hauts fonds, mais la côte était proche et l’estuaire vide.
    – Tout va bien, dit Calletot. J’aperçois le feu de là dernière tour… Ne regrettons point la défaillance du vent… Ne nous plaignons de rien. Nous avons cessé d’être en furin 179 sans jamais nous ababouiner 180 . Désormais laissons aller comme des Goddons sans reproche…
    – Où sommes-nous ? demanda Paindorge à Calletot.
    – Nous avons contourné la bande 181 de Sheerness. Droit devant nous, mon gars, ces lueurs sont celles d’une cité : Gillingham. Plus loin, ce sont celles de Rochester… À notre dextre, en avançant, nous trouverons Strood… Plus loin, la côte est déserte. C’est là que nous jetterons l’ancre… Sitôt à terre, d’après ce que je sais, vous trouverez le chemin qui vous conduira à Cobham. Nulle crainte de vous perdre ni de vous méprendre : le manoir est tout seul. Ayez bon pied bon œil car vous aurez deux lieues au moins à l’aller, deux au retour… Avez-vous bonne vue, messire Castelreng ?
    – Je le crois, mais ce jourd’hui, bien que nous ayons costié l’Angleterre, je n’ai vu, me semble-t-il, que la mer… Nous sommes partis de France à la minuit ; le vent nous a aidés de son mieux – dès l’aurore… C’est miracle, en vérité, que nous ayons pu parvenir où nous sommes.
    – En vérité !… C’est un don du ciel que nous soyons ici, glissant encore sur cette Goberde que je manœuvrerai avec mes mariniers, en votre absence, afin de partir sans tarder dès votre revenue… Car ces tours qui m’ont conduit deviendront redoutables si les Goddons vous poursuivent… Leurs feux changeront de couleur et les messages qu’ainsi elles s’enverront seront des messages de mort !
    – Le second miracle, dit Tristan, c’est de ramener, si nous mettons la main dessus, Édouard de Woodstock jusqu’à votre nef !… Deux lieues, m’avez-vous dit, de Cobham à la côte… S’il refuse d’avancer…
    – Nous l’assommerons, dit de loin Callœt. Nous le porterons lié à un baliveau comme un sanglier ou un cerf qu’on ramène de la chasse ! Je ne vois pas pourquoi nous aurions des égards !
    – Tu as raison, dit Paindorge. Cet homme est un bourreau : traitons-le comme tel !
    Tristan regarda le ciel enténébré d’où les astres semblaient avoir fui, puis ces terres aux mystères impercés, noires, terribles, entre lesquelles s’insinuait la Goberde immobile à la barre, Calletot commenta :
    – Une demi-lieue… La providence n’a point cessé d’être notre alliée… Le vent repart.
    Deux mariniers grimpèrent aux échelles de corde, silencieux et agiles. Tristan baissa la tête. La mer n’était qu’un champ d’acier glougloutant. Il se dit : « Je sais nœr (485) … Les autres ? » et se tourna vers Callœt et Paindorge.
    – Et si nous devons nous jeter

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