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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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amène. C’était cette amertume que Tristan semait dans sa gorge.

X
     
     
     
    Midi. Le grand soleil. Des papillons blancs et jaunes voletaient d’un bord à l’autre du chemin défoncé par l’hiver et les pluies du printemps. On pouvait distinguer, à travers le crible des feuillages, les murs pâles d’Évreux, la cité de Philippe, frère puîné du fameux Charles le Mauvais. Philippe, comte de Longueville qui, six ans plus tôt, avait été lieutenant du roi d’Angleterre en Normandie.
    – Nous devons, dit Thierry, contourner ces murailles. Manquerait plus que nous tombions au pouvoir des malandrins de cette cité. Je ne donnerais pas cher de nos vies s’ils, nous prenaient et découvraient que nous sommes acquis au roi et à son fils.
    Leur cheminement devenait précaire. Luciane feignait d’en douter. Son oncle, que sa sérénité peut-être agaçait, raconta la malaventure d’un chevaucheur capturé sous les murs de Vernon par des Navarrais. Ils lui avaient coupé le nez – parce qu’il l’avait soi-disant mis dans leurs affaires – et les oreilles – parce qu’il avait écouté des propos malveillants sur le roi Jean. Puis ils l’avaient mis nu et abandonné dans son sang, son épée clouée dans sa main dextre.
    – Et je garde pour moi tout ce qu’ils font aux filles.
    Tristan mena son cheval à la hauteur de Thierry :
    – Ne parle pas ainsi !… Tu l’effraies…
    – C’est bien ce que je cherche. À partir de maintenant, toutes sortes d’hostilités sont possibles. Je veux qu’elle regarde autour d’elle, autour de nous avec autant d’insistance que nous le faisons.
    – Je regarde, dit Luciane. Et j’aimerais qu’à la première occasion, vous me fournissiez une épée.
    – Hein ! fit Paindorge comme s’il recevait un coup.
    – Une épée ? Mais…
    – Oui, Thierry, une épée.
    Tristan ne disait mot. Il lui était impossible de voir le visage de la jouvencelle : elle chevauchait à l’avant. Elle s’exprimait d’un ton de commandement. Il pouvait imaginer son expression fière, et même superbe.
    – Bon sang ! grommela Thierry. Il y a une Tancrède dans la famille. Une donzelle farouche et qui, si elle a traversé la morille sans encombre, ne se complaît que dans des vêtements d’homme. Elle a des mœurs…
    – Tu m’en avais parlé lorsque j’étais enfant. D’elle et point de ces mœurs que je devine… Eh bien, mon oncle, je n’ai pas ces goûts-là.
    – J’en rends grâces au Ciel !
    – Veux-tu savoir qui m’apprit à tenir une épée ?
    – Ce ne peut-être qu’un Goddon.
    – Le steward du prince de Galles : Geoffrey Hamelin.
    Tristan se permit d’intervenir :
    – Le roi Jean déteste cet homme. C’est lui qui porta en Angleterre, après sa captivoison à Poitiers, son bassinet et sa cotte d’armes.
    – Geoffrey ne s’en vante point. Quand il a vu des hommes résolus à profiter de moi, il m’a conseillé d’apprendre à tenir une épée, une dague.
    – Et tu t’en es servie ?
    – Non… J’ai toujours eu, sous ma robe, une lame pour me défendre… mais lorsque Tristan m’a sauvée, elle était sous mon oreiller : j’allais me coucher quand il est entré dans Cobham…
    La façon nette, fervente, dont Luciane s’exprimait, prouvait qu’elle préférait le maniement des armes à toute autre espèce de plaisance. Ignorait-elle que si tenir une épée était une chose, fé rir ardemment et vigoureusement un ennemi pour l’atterrer à tout jamais en était une autre ? Thierry se taisait, regrettant sûrement d’avoir été privé de l’éducation de sa nièce – encore qu’une femme eût été plus apte à veiller sur elle avec une attention jalouse et assidue. Mais comment eût-il pu maintenant y prétendre ?
    – Nous avons le temps, dit-il avec une sorte de résignation, d’apprendre comment tu te sers d’une lame grande ou petite… Mais je préférerais te regarder au coin du feu, une aiguillée de fil à la main.
    – À de pareils travaux, l’esprit se rétrécit. On n’élargit pas sa vie.
    Thierry baissa la tête. « On dirait », songea Tristan, « un taureau en quête d’un coup de corne. » Il sourit. Dès lors qu’elle réprouvait les penchants de cette Tancrède inconnue, il ne ressentait aucune déception, lui, que Luciane fût d’humeur bataillarde.
    – J’ai des vêtements d’homme et monte un cheval d’homme. Une épée suffirait pour que l’illusion soit

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