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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vinrent assiéger Paris révolté, j’étais présent.
    – Des forains 311 pour sauver la couronne de France.
    – On a dit, fit Tristan en approuvant Thierry, que le pape était pour Édouard III.
    – Erreur !
    – On dit aussi qu’il aime à se dévergonder.
    – Calomnies répandues par un certain Pétrarque !… Lui, c’est un dévoyé. Il voulait devenir secrétaire apostolique. On lui donna un sujet à traiter. On le trouva trop ampoulé. Déçu d’être écarté, il jura de se venger. Sa rancune est tenace.
    – Je dois accompagner le roi en Avignon.
    Tristan se sentit dévisagé avec un intérêt accru, bienveillant, familier.
    – Eh bien, mon fils, tu verras Innocent VI et tu seras merveillé. Pétrarque le dit crédule, souffreteux, ignorant, au service exclusif de la Cour de France… Calomnie ! Mensonge ! Animadversio  !… Notre Saint-Père est raisonnable, solide, équitable, sensible aux plaintes qui traversent les murs de la papauté. Il ouvre généreusement son trésor au roi Jean. Il a engagé un tabernacle d’or aux armes de son prédécesseur, Clément V, d’un poids de deux cents marcs, pour obtenir un prêt en faveur du malheureux roi de France. Il lui a fait aussi une avance de quatre-vingt mille écus d’or pour sa rançon. Il a récemment sermonné Don Pèdre l’Espagnol pour ses mœurs dissolues. Il a refusé de légitimer les épousailles de Pierre du Portugal et d’Inès de Castro ainsi que la progéniture issue de ce mariage… N’est-ce pas régner en pape et en saint homme ?
    – Si, mon père, fit Luciane, mais l’amour…
    – L’amour, mon enfant, est une folie quand il desrieule 312 .,
    Et repoussant d’un geste la protestation de la jouvencelle, le moine continua :
    – Pétrarque affirme que le pape est un couard… Il a tenu tête à Barnabo Visconti, le tyran de l’Italie. Il le dit malade ? Lors de la peste noire, il est demeuré en Avignon. Dix-sept mille gens sont morts autour de lui dont neuf cardinaux et cent évêques. Il est toujours vivant. Pétrarque le prétend ignorant ? Il lit moult ouvrages anciens. Il aime la musique. Pourquoi serait-il indifférent à la France ? N’est-elle pas son pays 313  ? C’est ce que les malandrins d’Italie ne lui pardonnent pas… Enfin, puisque vous êtes hommes de guerre : c’est Innocent VI qui obtint d’Édouard de Woodstock, après Poitiers, une trêve de deux ans qui permit au royaume de ne pas être absorbé tout entier par la voracité anglaise !
    Tristan acquiesça ; Thierry grommela :
    – Avec d’autres capitaines, nous aurions gagné cette bataille… Mais qui êtes-vous, mon père, pour connaître si bien le pape ?
    Le moine baissa la tête. Sa tonsure apparut tout entière, pâle et coupée en son milieu par la cicatrice un peu mauve d’un taillant d’épée. Il leva tout à coup son regard vers Tristan et farfouilla sous le col de sa robe de bure :
    – Frère Michel Chabrol… Tiens, mon fils, puisque tu verras bientôt Sa Sainteté… Avec la bénédiction d’un bénédictin !
    Un anneau d’or à l’épais chaton rond et plat brillait dans une paume calleuse.
    – Prends cela sans façon. Je ne l’ai pas robé… C’est un présent d’Innocent VI… Si tu veux obtenir une audience à huis clos, montre ceci au camérier du Saint-Père. Cette componende 314 te permettra de recevoir du pape la grâce que tu solliciteras.
    « Je ferai rompre », songea Tristan, « mon vrai mariage avec Mathilde… même si elle est morte dans la forêt de Montaigny ! »
    L’anneau passa du froc du moine dans son pourpoint sans que Luciane eût demandé à le voir. Thierry avait souri, sans plus.
    Paindorge ouvrit en grand la porte de l’auberge. Sa figure énergique crispée par la rancune s’adoucit quand il vit le sourire de Luciane.
    – Et moi, dit-il, je jeûne ?
    Tristan se leva et pesa d’une main sur l’épaule de la jouvencelle.
    – Non, m’amie, demeurez. Sustentez-vous. Le chemin sera long. Aussi long que celui de Calais à Paris.
    Il rejoignit son écuyer :
    – Va manger. Prends ton temps… As-tu vu à l’entour quelque chose d’étrange ?
    – Non, messire… si ce n’est, là-bas, un nuage de poussière… Chevaux…
    –… et cavaliers. Combien selon toi ?
    – Quinze ou vingt. Ils doivent être loin maintenant. Mais s’ils sont Navarrais et qu’ils nous assaillent… j’ai besoin d’être à la hauteur…
    L’écuyer semblait plein

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