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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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coi », décida Tristan, « elle ne fait que te titiller. »
    Imaginait-elle qu’il répugnait à vociférer cette devise à la bataille parce qu’elle ne reflétait ni sa force ni son courage ? Alors, elle se méprenait. Si, depuis qu’il ceignait l’épée, de tout cœur lui paraissait un cri d’armes peu adapté à sa nature, il l’avait pourtant hurlé à toute gorge dans la mêlée de Maupertuis : c’était celui de ses aïeux.
    – L’avantage des hommes de mon espèce, dit Thierry, c’est de faire la nique aux usages poudreux !
    – C’est sur ces usages que notre royaume est devenu grand. Hélas ! Il n’est plus rien : ses rois l’ont rétréci…
    Un silence tomba, que nul n’avait voulu. Trois ambres de centaures, une de centauresse dansaient sur la pierraille parsemée çà et là d’une herbe courte et pâle. Des mouches bourdonnaient, attirées par l’odeur souriant légère des chevaux. D’un geste ample et léger, Luciane dispersait les audacieuses avant qu’elles l’eussent atteint son visage.
    –  De tout cœur , répéta-t-elle, sans même se détourner.
    L’on eût dit qu’elle s’adressait aux trois hommes à la fois, mais Tristan n’était pas dupe des raisons d’une te lle insistance. Il s’essuya le front d’un mouvement d’avant-bras : le soleil commençait à cuire tout ce qui échappait aux arbres.
    – Nous avons de bons chevaux, dit Paindorge. Si tout va bien, nous mettrons cinq jours.
    Avait-il voulu briser l’intérêt presque effréné dont Luciane, soudain, entourait son chevalier ?
    – Possible, dit Thierry. Taillefer est un bon compère. J’ai eu un meilleur cheval que lui : Veillantif. Je l’ai perdu au pont de Poissy, juste avant Crécy, quand Northampton a franchi la Seine. Il est mort sans souffrir mais ceux qui l’ont occis y ont laissé leur vie.
    Nouveau silence empli du bruissement des fers sur le chemin. Et Thierry s’adressa seulement à Luciane :
    – Le vrai Marchegai, le compagnon de ton père, doit être mort. Et Saladin son chien aussi.
    – On n’est pas éternel, dit Paindorge.
    Tristan se demanda si son écuyer avait été entendu. Qu’était devenu cet Ogier qu’il eût aimé connaître ? Il ne pouvait l’imaginer qu’isolé, lors de la grande peste, cherchant avec une opiniâtreté sans faille cette fille qu’il avait dû parer de toutes les beautés. Vivait-il ? Comment ? Était-il desbareté 306 définitivement ?… Non : le courage frongniait 307 encore en lui comme une bête rétive dont rien, hormis la mort, ne peut annihiler la vigueur et l’espérance de vivre. Cet homme-là n’avait jamais été tenté de jeter une corde à une branche pour s’y suspendre par le cou. Il vivait. Il était quelque part.
    En quel lieu ?
    *
    –  Voilà où j’ai v écu de temps en temps… J’y reviendrai sans doute, dit Thierry après qu’il eut chargé Paindorge de veiller sur Taillefer.
    C’était une maison basse, enracinée solidement face à l’église d’Orgeval qu’elle semblait défier, bien que le bâtiment trapu et son clocher répandissent sur elle une ombre abondante et comme définitive.
    – On dirait qu’elle est vide.
    – Non, Tristan. Une vieille femme y vit. Son frère, qui gîte à l’autre bout du village, prend soin de mon sommier. Il tenait, avec l’époux de cette dame, la mareschaucie 308 devant laquelle nous venons de passer.
    Luciane mit pied à terre. Un instant immobile, elle parut sensible aux caresses parfumées de fleurs amassées devant la petite maison : quelques roses parmi un troupeau de jacinthes bleues, mauves, blanches ; de grands lis protégés par leurs lances, des anémones en déclin, des myosotis – l’herbe d’amour – ternis par le soleil et flétris à jamais.
    – Quand je suis venu à Orgeval l’hiver dernier, j’avais froid et faim. Taillefer et mon sommier n’en pouvaient plus. La vieille dame m’a offert l’hospitalité…
    – Qu’allais-tu faire à Orgeval ?
    Luciane posa deux doigts sur sa bouche comme pour regretter sa question. Thierry lui répondit sans malice :
    – J’avais na v ré un homme aux joutes de Dourdan : Manecier d’Orgeval… Le même âge que moi : trente-cinq… Présomptueux en champs clos mais courtois au-dehors. Mon rochet a traversé son écu… Ses gens l’ont ramené en chariot. Je voulais savoir s’il allait mieux. Hélas ! Il était mort en chemin… Je m’en repens

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