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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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attesterait dans la rue, à l’église – partout –, qu’elle épousait un chevalier ? Il se tourna vers la porte. Elle était ouverte ; Mathilde l’observait, enclose dans le chêne sombre, épais, de l’huisserie.
    – Enfin ! s’exclama-t-elle sans plus brider son mécontentement. Guy de Chauliac est bien mal morigéné 14 , qui vous a soustrait à ma sollicitude un jour plein !… Et une nuit !… Je lui en ferai reproche… Vous n’êtes pour rien dans cette échappatoire… S’il préparait aussi soigneusement ses boissons d’amour que ses remèdes, je lui en demanderais une pour vous.
    Elle avança d’un pas qui la révélait toute hardie, mais capable de retenue ; voluptueuse mais, à l’occasion, austère sinon revêche. Un coulis de sucs alléchants et de sèves amères dont il allait devoir goûter, éprouver la saveur avec la crainte qu’elle ne fût écœurante et que sa déception ne se vît ou ne se perçût. La façon dont les mains avides agriffaient ses épaules signifiait, sans doute, que la dame avait été privée d’étreintes depuis longtemps.
    – Oh ! Je t’ai fait mal…, dit-elle.
    Elle sourit, le souffle court, sans qu’il parvînt à deviner si cette compassion soudaine était sincère, et si ce n’était pas plutôt sur son sort de femme insatiable, aux espérances inaccomplies, qu’elle s’apitoyait.
    – Vous sembliez un gisant. Vos poumons se soulevaient à peine et votre cœur semblait endormi lui aussi. J’ai pu vous baiser sans que vous détourniez vos lèvres et vous toucher sans que vous vous en offensiez…
    Il devina la nature de ces attouchements. Il sera son époux pour devenir sa chose. Comme sa curiosité le titillait davantage, il s’enquit :
    – Ce mariage… quand pensez-vous qu’il aura lieu ?
    Il demeura un long moment immobile, attentif, cerveau vide d’idées et d’images, observant qu’il respirait aisément, parfois profondément, sans qu’aucune de ses plaies ne fut touchée d’un trait de feu.
    – Cet après-midi en l’église primatiale de Saint Jean… Grande église, petite chapelle… Vous vous demandez pourquoi, sans doute. Eh bien, je me si mariée deux fois en grand bobant 15 devant le plus bel autel de la cité, nonobstant quoi je fus veuve… J’ai choisi pour nous deux le plus humble de tous. Nous entrerons, suivis de mes soudoyers (406) , par le grand portail afin de convaincre le commun de notre accord. Nous partirons à l’autre bout de la nef par une issue ou nul ne nous attendra… sauf ma litière. Les Lyonnais sauront que j’ai convolé avec mon condamné, mais aucune campane, bien sûr, ne saluera notre sortie… Qu’en penses-tu ?
    Il n’avait pas à penser. Il se trouvait dans l’obédience d’une femme dont le caractère était à l’inverse du sien. Son visage, maintenant, se trouvait si proche qu’il en voyait seulement les lèvres humides et la luisance des dents, qu’elle avait belles.
    – Je ne sais que vous répondre. Vous avez l’heur de me commander…
    – Et tu t’en plains ?
    – Je me plaindrais plutôt du feu de mes navrures… Qui va nous marier ?
    Il supporterait mal cette cérémonie. Quelles qu’en eussent été les conditions, il éprouva du plaisir à évoquer celle à l’issue de laquelle Angilbert le Brugeois l’avait uni à Oriabel. Certes, il s’agissait d’un faux presbytérien, cependant, l’émoi qu’il avait éprouvé en glissant un anneau de rapine au doigt de la jouvencelle conservait toute sa force et sa signifiance.
    « Et le mien ? Le mien !… Misère ! »
    Il n’en percevait plus la présence à son annulaire. Mathilde avait profité de sa pâmoison pour le lui rober et le jeter sans doute.
    Il y eut en lui comme un changement de climat. Ce fut soudain l’hiver, le gel de tous ses sentiments, de tous ses desseins, de sa bienveillance envers l’usurpatrice. Elle avait profané ses amours et c’était comme si elle avait voulu occire en lui la présence d’Oriabel. Il décida de s’abstenir de tout effet d’ébahissement et d’indignation. De se résigner. Il le fallait bien. D’ailleurs, il se sentait faible et comme emmaladi à jamais.
    – Monseigneur Charles d’Alençon nous enverra un prêtre. J’avais sollicité la présence d’un évêque. Cela m’a été refusé… À cause de toi.
    Tristan sentit cette déception imprégnée d’un ressentiment plus épais, peut-être, qu’il ne le supposait. Son regard

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