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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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ma science divinatoire. »
    Elle avait dit cela avec une emphase comique qui amena un sourire sur les lèvres de Ferrière. Elle ajouta en riant de bon cœur :
    « Pour parler plus simplement : c’est là un des nombreux endroits où j’exerce mon métier, qui est de dire la bonne aventure, comme vous le savez.
    – Métier bizarre… qui ne me paraît guère concevable pour une femme… Surtout quand cette femme est d’une autre nature fine et distinguée comme la vôtre.
    – Métier qui me fait vivre libre et indépendante, monsieur. Métier qui me permet de repousser du pied comme il convient, certaines propositions outrageantes qu’on se croit en droit de faire à une femme qui n’a pas d’homme, père, frère, époux ou parent éloigné, pour la protéger… et qui doit vivre cependant.
    – Au fait, cela me fait penser que vous ne m’avez pas encore dit la bonne aventure, à moi. Profitons de l’occasion, voulez-vous ?
    – Non, je ne vous dirai pas la bonne aventure, à vous.
    – Pourquoi pas à moi ? fit-il avec dépit.
    – Parce que ma prétendue science n’existe pas. Parce que j’invente tout ce que je dis à ceux qui viennent me consulter. Il faut bien que je vous le dise, à vous, puisque c’est la vérité : je ne sais pas, je n’ai jamais su dire la bonne aventure.
    – Est-ce possible ! s’écria-t-il, ébahi de cet aveu imprévu. Quoi ! vraiment, vous n’y entendez rien ?
    – Rien n’est pas le mot, fit-elle avec la même franchise et en riant de son air étonné. Tout de même, j’ai une vague connaissance des rudiments de cette science. On m’a appris, par exemple, à discerner une ligne de vie. Mais tout mon savoir se borne à peu près à cela. Oh ! sur ce point-là, je suis très forte, très. Et jamais je ne me suis trompée quand, sur le vu de certaine ligne brisée, je me suis prédit à moi-même que celui que me consultait n’avait que quelques mois ou quelques semaines à vivre. Mais voilà, c’est précisément la seule chose que je suis capable de reconnaître qui ne me sert à rien… Puisque je ne dis jamais ce que j’ai vu sur ce point capital.
    – Ainsi, fit-il, avec une feinte indignation, vos prédictions ne sont que des imaginations ?
    – De pures imaginations.
    – Mais c’est une supercherie indigne !
    – J’avoue la supercherie… mais je récuse le qualificatif qui me paraît un peu sévère… et que je vous prie de retirer.
    – Je retire le mot, dit-il en éclatant de rire. Diable ! je ne veux pas me mettre sur les bras une affaire avec vous !… N’empêche que vous empochez l’argent des naïfs qui croient à votre science.
    – Ma foi oui !… Ne faut-il pas que je vive aussi, moi ?
    – Mais, mademoiselle, ce n’est pas de l’argent honnêtement gagné, cela !…
    – Quelle erreur ! » dit-elle.
    Et sérieusement :
    « Ceux qui viennent à moi ont généralement un souci qui les tracasse à tel point qu’ils en sont très malheureux. Eh bien, j’arrache ce souci de leur esprit. Je leur rends l’espoir et la confiance. Ils me quittent réconfortés et heureux… Il y en a qui doivent la vie à mes mensonges… Ils étaient résolus à en finir avec une existence qui leur paraissait insupportable, et avec laquelle j’ai réussi à les raccommoder… Tout cela vaut bien, je pense, les quelques pièces de menue monnaie qu’on me donne. Vous me direz peut-être qu’en échange de cet argent, très réel, je ne donne, moi, qu’un peu d’illusion. Je vous répondrai que l’illusion, c’est toute la vie. Et si je réussis à faire pénétrer un peu de cette bienfaisante illusion dans un esprit, cela ne saurait se payer trop cher. Et la preuve en est que mes clients se montrent tous généreux avec moi… même les moins fortunés.
    – Ma foi, dit Ferrière, je n’avais pas pensé à envisager la question sous cet aspect !… Savez-vous que vous avez des idées étranges… qu’il n’est pas donné à tout le monde d’avoir.
    – Bah ! fit-elle malicieusement, vous en entendrez bien d’autres !… Je n’ai pas vidé mon sac d’un seul coup. »
    Le visage de Ferrière s’illumina.
    « Tant mieux ! » fit-il dans un élan joyeux.
    Et, avec un rire un peu forcé :
    « Vous n’avez jamais aimé ?
    – Jamais ! dit-elle gravement.
    Il la regarda bien en face, comme s’il voulait lire jusqu’au fond de son cœur. Elle soutint cet examen avec une admirable sérénité. Le doute

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