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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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cette nécessité de dévoiler l’incognito du comte de Louvre, lui apparaissait comme la pire des humiliations. C’était, à son sens, un aveu d’impuissance qui le déshonorait.
    Seul François devinait ce qui se passait en lui.
    C’est ce qui fait que, posant sa main d’enfant sur le bras de Beaurevers, il prononça très sérieusement, très convaincu :
    « Bah ! Il en sera des gardes du roi comme des autres… vous les battrez. »
    Beaurevers hocha la tête. Il n’avait plus la belle confiance du roi.
    Néanmoins, il n’était pas homme à renoncer aussi facilement.
    « Le pilori ! » dit-il d’une voix rauque.
    Ils comprirent tous. Ils se ruèrent.
    Mais cette fois la porte était bien fermée. L’homme qui travaillait là-dedans avait dû, dès qu’ils étaient sortis, détaler à toutes jambes. Et il n’avait pas oublié de fermer la porte.
    Les gardes arrivaient sur eux, en trombe.
    Que faire ? Fuir ? À quoi bon ? Les chevaux eussent tôt fait de les rattraper. Il fallait tenir tête.
    Et Beaurevers prit séance tenante ses dispositions :
    Sur un signe de lui, les quatre adossèrent François au pilori et se campèrent tous les quatre devant lui. Ferrière, Liverdac et Montarrac firent un deuxième rempart en avant des quatre. Beaurevers, en tête, tenait une épée et une barre de fer ; les autres des dagues et des rapières. Cela faisait une triple barrière d’acier qu’il fallait briser avant d’arriver à François. Et ainsi du moins on ne pouvait les attaquer que de face.
    Les gardes débouchaient de la rue de Buci par files de quatre. Sur le carrefour, ils se déployaient en une double ligne de bataille. Cette ligne prit la forme d’un demi-cercle. Le centre de ce demi-cercle, lancé à toute bride, vint s’arrêter à quelques pas de Beaurevers. Les deux ailes poussèrent jusqu’au pilori.
    Lorsque cette manœuvre, qui s’accomplit avec une précision remarquable et une rapidité foudroyante, fut achevée, il se trouva que Beaurevers et les siens, acculés au pilori, étaient pris comme dans un filet.
    Beaurevers, ramassé sur lui-même, une lueur de folie au fond de ses prunelles sanglantes, allait bondir et frapper.
    Il ne bougea pas, pourtant.
    Pourquoi ? C’est que les soldats, leur manœuvre accomplie, s’étaient arrêtés net. C’est que pas un d’eux n’avait l’épée au poing. C’est que tous se tenaient raides sur la selle, le poing sur la hanche, comme mués en statues équestres par le coup de baguette de quelque invisible magicien.
    Enfin, c’est que l’officier qui commandait ces gardes s’avançait vers lui au pas de son cheval, l’épée au fourreau.
    Il ne paraissait pas surpris de l’attitude hérissée de ce groupe effrayant massé au pied de ce monument d’infamie. C’est qu’il avait vu les corps étendus sur le carreau.
    « Holà ! dit-il tout à coup, n’est-ce pas vous que je vois là, monsieur de Beaurevers ?
    – C’est moi ! » hurla Beaurevers, qui ne comprenait plus.
    L’officier souleva son chapeau, s’inclina sur le cou de sa monture, et expliqua :
    « C’est que vous êtes dans un état !… Du diable si je vous aurais reconnu. »
    Et il ajouta, sur un ton courtois :
    « Monsieur de Beaurevers, je suis bien votre serviteur. »
    C’était si extraordinaire, si imprévu, que Beaurevers en demeura une seconde suffoqué. S’attendre à s’entr’égorger et se heurter à un échange de politesses, on conviendra qu’il y avait là de quoi justifier son effarement.
    Néanmoins, il se remit vite, et, rendant le salut :
    « Monsieur de Genlis, dit-il aussi courtoisement, je suis bien votre valet. »
    Mais il reprit aussitôt son attitude première et se tint plus que jamais sur ses gardes.
    Cependant l’officier qu’il venait de nommer M. de Genlis continuait tranquillement :
    « S’il vous plaît, monsieur de Beaurevers, dites-moi lequel de vos compagnons est M. le comte de Louvre ? »
    Beaurevers n’eut pas le temps de répondre. D’un geste d’irrésistible autorité, François écarta ses gardes du corps et se plaçant à côté du chevalier :
    « Le comte de Louvre, dit-il, c’est moi ! »
    Genlis le considéra d’un œil vaguement étonné. Et il sourit. Et il salua comme il eût salué une femme.
    Dépité, François rendit le salut d’un air un peu raide.
    « Eh bien, monsieur le comte de Louvre, dit Genlis de son même air tranquille et indifférent, et vous, monsieur le

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