Le Pré-aux-Clercs
Boucheries.
En réalité, ce recul, exécuté avec adresse, était une manœuvre. Cette manœuvre avait pour but d’éloigner les protestants du pilori. D’isoler par conséquent Beaurevers et ses compagnons, qui formaient un groupe à part. Un groupe auquel s’étaient spontanément joints les deux officiers Montarrac et Liverdac.
Le deuxième groupe composé d’une quinzaine de ses hommes les meilleurs, dirigé par Guillaume Pentecôte lui-même, devait se ruer en masse sur Beaurevers, le frapper, lui et le comte de Louvre, sans s’occuper des autres. Après quoi, sur un coup de sifflet de Pentecôte, toute la bande prendrait sa volée et disparaîtrait. La besogne pour laquelle elle était payée étant accomplie, il était inutile, n’est-ce pas ? De se faire massacrer stupidement par les huguenots dont, au fond, ils se souciaient fort peu.
Les choses se passèrent ainsi que les avaient réglées Guillaume Pentecôte. En partie, du moins.
C’est-à-dire que le groupe de Beaurevers se trouva isolé. Mais ce fut tout.
Beaurevers, tout d’abord, avait confié François à ses quatre compagnons. Et ceux-ci l’encadrèrent aussitôt. Ils le laissèrent parfaitement libre de ses mouvements, libre de combattre. Seulement ils veillaient sur lui, s’occupaient beaucoup plus de parer les coups qui lui étaient destinés que de frapper eux-mêmes. Et enfin, sans avoir l’air d’y toucher, sans que François s’en aperçût, ils le poussaient aux endroits qui leur paraissaient les moins dangereux.
Il résulta de ces dispositions : premièrement que Beaurevers, l’esprit tranquille sur ce point qui, à ses yeux, était le seul important, put se consacrer entièrement à l’offensive qu’il mena en tempête, selon son habitude.
Secondement que François put croire qu’il avait travaillé de son mieux et en toute liberté à l’action. Alors qu’en réalité il avait été pour ainsi dire le prisonnier de Trinquemaille, Bouracan, Strapafar et Copodibale, qui l’avaient poussé, guidé à leur gré, et ne l’avaient lâché sur une besogne qu’après la lui avoir préparée de manière à ce qu’il eût le plus de chances possible de la mener à bien, avec le minimum de risques. En sorte que son amour-propre se trouvait sauvegardé.
En un rien de temps la place se trouva jonchée de cadavres et de blessés des deux partis. Car si les protestants tapaient dur et ne se ménageaient pas, les hommes de l’escadron de fer, c’est une justice à leur rendre, gagnaient honnêtement leur argent en opposant une résistance farouche. En somme, ces sacripants étaient braves, et Rospignac, qui les choisissait, et les commandait, pouvait à bon droit être fier d’eux, car pas un ne tourna les talons.
XXVI – L’ARRESTATION
Au fond, Guillaume Pentecôte ne s’illusionnait pas sur l’issue de la lutte. À moins d’être favorisé par un hasard extraordinaire, il se disait que le but principal – qui était la mort de Beaurevers (il n’était plus question de le prendre vivant) et du comte de Louvre – ne serait pas atteint. Cela ne l’avait pas empêché de mettre tout en œuvre pour obtenir le résultat désiré. Et cela ne l’avait pas empêché non plus, lui et ses hommes, de se battre franchement.
Mais si Guillaume Pentecôte ne comptait pas sérieusement supprimer les deux hommes qu’il avait ordre de supprimer, il est certain qu’il ne pensait pas non plus qu’il subirait une défaite aussi complète que celle qui l’attendait sur ce champ de bataille.
Les manœuvres du genre de celle qu’il avait entreprise doivent réussir du premier coup. Sans quoi elles sont vouées à un échec certain. C’est ce que Pentecôte apprit à ses dépens.
Beaurevers ne s’aperçut même pas qu’il était isolé du gros des protestants. La fureur de la bataille s’était abattue sur lui et il n’avait plus qu’une idée bien nette en lui : abattre le plus qu’il pourrait de ces sacripants qui venaient de lui faire passer des instants qui pouvaient compter pour les plus pénibles de son existence si mouvementée.
Il avait emprunté à Bouracan sa masse de fer et il s’était rué au plus fort de la mêlée. Ferrière et les deux officiers gascons l’avaient suivi, frappant d’estoc et de taille, de la rapière et de la dague.
Beaurevers, faisant tourbillonner sa masse, était comme fou. Il allait et venait, à droite, à gauche, en avant, en arrière, avec la force impétueuse et la
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