Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
réduisait à une ligne mince. De sa personne émanait une senteur d’herbes écrasées mêlée à une odeur de parfum et à de plus lourds et entêtants effluves. Cette dame, pensa Corbett, serait prête à tuer pour défendre son honneur ou sa fierté. Dame Amelia ne releva pas le commentaire du clerc et présenta gracieusement ses deux compagnes, les sous-prieures, qui, tels deux chenets, l’encadraient à droite et à gauche : maigre, grande et sèche, Dame Frances montrait un visage revêche aux yeux durs et aux lèvres tordues, tandis que l’avenante Dame Catherine, grassouillette et vive, arborait une mine joviale et une bouche généreuse, tout en fixant son interlocuteur de ses yeux semblables à deux galets noirs au-dessus des joues vermeilles. Dame Amelia pria Corbett de s’asseoir, puis elle tapa dans ses mains et une servante apporta de la malvoisie et des friandises. Elle oublia Ranulf qui dut rester debout derrière la chaise de son maître, ravalant sa fierté, mais en profitant pour observer tout à loisir les religieuses. Par tous les démons de l’enfer, pensa-t-il, voilà une trinité qui est loin d’être sainte ! Dame Catherine attira son attention : elle dévisageait intensément Corbett, s’humectant constamment les lèvres de sa petite langue rose. Ranulf sourit intérieurement. Fieffée coquine, se dit-il, et il se mit à rêver tranquillement à ce qui pourrait se passer s’il se retrouvait seul avec la dame dans l’intimité d’une chambre accueillante. La prieure s’installa plus confortablement et se permit un léger sourire qui éclaira son visage. Puis elle commença à grignoter des douceurs.
    — Que requiert notre souverain ? demanda-t-elle.
    — Rien d’autre que des explications satisfaisantes sur le décès de Lady Aliénor.
    Dame Amelia eut une moue gênée.
    — Nous regrettons la mort de Lady Aliénor autant que celle de la malheureuse Dame Martha. L’une de nos soeurs, se hâta-t-elle de préciser en remarquant l’incompréhension qui se lisait sur les traits de Corbett. On l’a retrouvée noyée dans un cuveau, ce matin. Souvenez-vous, Messire : « La mort gît au coeur même de la vie. »
    — Certes, mais la façon dont elle survient a son importance.
    — Elle fut accidentelle, en ce qui concerne Lady Aliénor.
    Corbett rajusta sa ceinture et se détendit sur son siège.
    — Etait-elle sujette à des accès de mélancolie noire ?
    — Parfois. Elle priait souvent Dieu de la débarrasser de sa maladie. Elle souffrait de la poitrine. N’est-ce pas, Dame Catherine ? ajouta-t-elle en se tournant vers la sous-prieure replète au visage enjoué.
    Cette dernière haussa les épaules comme si elle sortait à grand-peine de sa rêverie et renchérit d’une voix aiguë :
    — Lady Aliénor avait une grosseur à la poitrine. Le prince lui envoyait des remèdes.
    — Les apportait-il lui-même ? voulut savoir Corbett.
    — Oh non !
    — Recevait-elle des visites ?
    — Bien sûr que non ! rétorqua Dame Amelia d’une voix acerbe. C’est un couvent, ici, pas une auberge !
    — Ces remèdes… pourquoi tant de prévenance de la part du prince ?
    — C’est un homme qui se soucie des autres.
    — Comment le savez-vous ?
    — Mon père était régisseur dans sa Maison.
    — Ce qui vous a permis d’être nommée prieure ici ?
    — Naturellement.
    Le sourire de Dame Amelia s’effaça.
    — Mais cette nomination a reçu l’aval de Monseigneur l’évêque et de notre ordre.
    Dame Frances pinça les lèvres en une réfutation muette, mais éloquente, des mérites revendiqués par sa supérieure, et cette mimique n’échappa pas à Corbett.
    — Ces remèdes… ?
    — Oh ! intervint Dame Catherine, ils étaient achetés à un médecin de Londres et fabriqués par le meilleur apothicaire.
    Dame Amelia vit un éclair de doute dans les yeux du clerc et s’essaya à un sourire plus affable. Il lui fallait veiller à ne pas répondre trop promptement. On l’avait bien mise en garde contre ce clerc soupçonneux à la réputation d’homme intègre, qui posait des questions sans prendre de gants. Elle le scruta plus soigneusement. Oui, il était bien plus qu’un simple agent du roi, avec ses cheveux couleur de jais, ses traits sardoniques et ses yeux intelligents qui semblaient ne pas croire une seule de ses paroles. Peut-être l’attaque serait-elle la meilleure des défenses. Elle pouvait se montrer aussi acerbe que

Weitere Kostenlose Bücher