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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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résoudre à exiler Gaveston : il était incapable de refuser quoi que ce soit à son fils ! Ces yeux bleus, brillants d’innocence, les souvenirs de ces jours heureux, de cette époque insouciante…
    — Sire ! Sire !
    Le monarque ouvrit les yeux. John de Warenne, comte de Surrey, se tenait, bien campé sur ses jambes, à l’entrée de la tente, une bouteille de bière dans une main et, dans l’autre, un poulet à moitié dévoré.
    — Vous arrivez trop tôt, John !
    Voyant les larmes sur les joues de son souverain, Warenne détourna le regard.
    — À quoi sert à un roi de conquérir l’univers s’il perd son fils bien-aimé, John ?
    Warenne le dévisagea sans comprendre et Edouard grimaça un sourire. Brave Warenne, pensa-t-il, avec ses manières carrées, sa face rougeaude et son coeur noir de duplicité ! Un bon soldat, mais un mauvais général. Sa réponse à tout problème était une grosse charge de cavalerie. Il s’était même offert à tuer Gaveston.
    — Qu’y a-t-il, John ?
    — Rien, à part Craon.
    Édouard leva les yeux au ciel.
    — Ainsi l’envoyé de Philippe a fini par me retrouver ! murmura-t-il.
    — Abandonnez ces mines de carême, Sire ! lança Warenne d’une voix grinçante. Veuillez sécher vos larmes et reprendre vos esprits, car voici le Diable et son train !
    — L’affaire de Godstowe ?
    Warenne opina du bonnet.
    — Ça ne peut être que cela ! Les ragots poussent comme de la mauvaise herbe et je soupçonne Craon d’être celui qui les sème. On chuchote dans tous les coins. Même à Londres, on affirme que le prince a tué sa maîtresse pour plaire à son amant. Craon veut dénicher les bruits les plus juteux ; quand il l’aura fait, il les enverra à Paris et, ensuite, ce sera Rome et le Saint-Père.
    — Silence, Warenne !
    Le monarque frappa le sol du bout de sa botte. Oh, il voyait déjà le roi Philippe mimant l’innocence outragée, puis viendrait la lettre du pape. Il en devinait le début :
    « Pervertit ad aures nostras – Nous avons ouï dire, bien cher fils en Christ… », suivi des habituelles phrases moralisatrices. Ensuite il y aurait les accusations de sodomie et d’assassinat ; puis le prince héritier serait déclaré indigne d’épouser une innocente princesse française, le traité dissous et, au bout du compte, une guerre sanglante. Par l’Enfer ! songea Edouard, que faisait donc ce sacré fouineur de Corbett, à part lui envoyer des mises en garde répétées à propos d’un sicaire, d’un Montfort, qui rôdait en Angleterre ? Édouard eut un sourire triste. Il ne le redoutait pas, celui-là ! Il devrait peut-être s’en ouvrir à Corbett. Non, c’était cette affaire de Godstowe qui lui mettait martel en tête ! Il fallait défendre la Couronne, il fallait protéger son fils ! Mais que diable fabriquait son propre agent à Godstowe ?
    — Si vous désirez vous rendormir, Sire…
    — Je vous ferai étriper, Warenne ! Introduisez ce gredin, ordonna-t-il avec un rictus.
    Quelques secondes après, Craon entrait, l’air agité, un sourire mielleux aux lèvres. Il multiplia les courbettes tout en fixant le roi de ses yeux de serpent. Édouard le trouva un peu ridicule dans son habit de sarcenet moelleux et ses bottes couleur fauve, mais il resta impassible. Craon avait des goûts étranges. Un de ces jours…
    — Monsieur de Craon !
    Le roi avait omis délibérément le « seigneur * ».
    — Nous sommes ravis de vous rencontrer. Vous avez fait bon voyage ? Nous attendions votre arrivée avec impatience.
    — Pas autant que je brûlais d’envie de vous voir, Sire, dit Craon en se courbant à demi. Mon maître, le roi Philippe, vous envoie son salut fraternel. Il est profondément préoccupé par les problèmes que vous rencontrez en Écosse. Il se propose comme médiateur et fera tout pour trouver une solution. Comme, par exemple, envoyer une centaine de navires pleins d’hommes et de munitions pour aider ces traîtres, songea Edouard. Du pied, il rapprocha un siège.
    — Asseyez-vous, je vous en prie !
    Craon remarqua que le siège était bancal.
    — Vous me flattez, Sire. Je n’oserais user de ce privilège !
    Il lui faudrait se méfier d’Édouard. Il observa les yeux légèrement obliques dont l’un était mi-clos – une affectation que le roi avait adoptée dans sa jeunesse – et scruta le monarque dont le cruel visage de rapace, encadré par des cheveux gris acier, disait assez

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