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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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d’argent étaient exposés sur des dressoirs et des coffres splendides. Des pages disposaient les tables pour le banquet et de bonnes odeurs épicées, montant des cuisines, flottaient dans l’air et leur mettaient l’eau à la bouche. On ne leur donna pas le temps de s’attarder, cependant. On les conduisit en haut, le long d’un couloir, dans une petite chambre dont l’austère simplicité contrastait vivement avec l’opulence qu’ils avaient vue.
    Gaveston et le prince les attendaient. Le favori était assis dans l’embrasure de la fenêtre, sur le banc de pierre recouvert d’un coussin. Le jeune Édouard était affalé sur une chaise, à ses côtés. Tous deux regardaient dehors, l’air d’enfants tristes, comme s’ils souhaitaient ardemment être ailleurs. Le prince héritier demeurerait à Woodstock, avait décrété le roi, et, bien sûr, Gaveston l’y avait suivi comme son ombre.
    Les deux jeunes gens aimaient s’habiller de façon ostentatoire, mais ce jour-là ils avaient opté plus simplement pour des chausses enfoncées dans des bottes de cuir souple, des chemises de batiste ornées de dentelle et des mantelets de taffetas rouge sang, jetés sur l’épaule. Gaveston resta de glace quand on annonça Corbett et Ranulf. Le prince, lui, esquissa un sourire faux en se redressant sur sa chaise et en se passant les mains, qu’il avait longues et fines, dans ses cheveux blonds.
    — Messire Corbett, je me souviens bien de vous. Vous êtes au service de mon père.
    — Et au vôtre, Monseigneur !
    Le prince, l’air satisfait, ordonna à un valet d’apporter deux chaises.
    — Veuillez prendre place, vous et votre serviteur qui ouvre de si grands yeux ! Désirez-vous du vin ?
    Et, sans attendre la réponse de Corbett, le prince se tourna vers une table basse et remplit à ras bord deux gobelets qu’il tendit, sans aménité, à ses invités indésirables. Corbett murmura des remerciements et sirota son verre avec délicatesse, tandis que Ranulf le vida en deux gorgées bruyantes. Le prince eut un sourire narquois et Gaveston se retourna, saluant leur présence d’un ricanement condescendant. Corbett s’interdit d’être froissé. Il devina que les deux hommes avaient un peu trop bu, mais Gaveston, même à moitié somnolent, était aussi dangereux qu’un sanglier endormi. Le clerc scruta les traits fins du Gascon, son teint mat et la perle, rehaussée de pierres fines, qui se balançait avec arrogance à son oreille. Le parfait courtisan ! Le roi lui avait confié que Gaveston, dévoré d’ambition, aspirait à devenir comte et à utiliser son amitié avec le prince pour fonder une dynastie comparable à celles des Clare, des Beaumont et autres qui avaient franchi la Manche aux côtés de Guillaume le Conquérant.
    Quant à Gaveston, il observait le clerc en humectant ses lèvres pleines et charnues. Il maudit le vin, ses pensées mélancoliques et le prince qui avait accepté de recevoir Corbett. Il savait, au plus profond de lui-même, que le jeune Édouard aimait bien le clerc dont il admirait la loyauté et la répugnance à le noircir aux yeux de son redoutable père. Gaveston ne redoutait personne – ni le roi, ni Warenne, ni aucun seigneur –, mais il se méfiait de Corbett, de son visage impénétrable et de son regard caché sous des paupières tombantes. Bientôt pleuvraient les questions et il faudrait bien y répondre. Oh ! il pourrait se retrancher derrière son rang, mais Corbett en informerait le roi et le prince devrait se justifier, de toute façon. Gaveston serra les poings. Pourquoi ne les laissait-on pas tranquilles, tous les deux ? Il jeta un coup d’oeil rapide à son ami et Corbett lut l’agacement sur le visage du prince.
    — Monseigneur, demanda-t-il, voyez-vous quelque objection à ma présence ?
    — Non, Corbett. Ce qui m’intrigue, c’est la raison de votre visite.
    — La mort de Lady Aliénor.
    Le prince haussa les sourcils.
    — Il y a un problème ? s’étonna-t-il. Je pensais que c’était un accident.
    — Non, le bruit court qu’elle a été assassinée.
    Corbett soutint son regard et remarqua le trouble qu’avait causé sa sinistre annonce.
    — Vous avez des preuves ? s’enquit Gaveston.
    — J’en aurai bientôt, Monseigneur, mais aucune ne pèsera bien lourd aux yeux des ennemis du prince. Ils s’obstineront à dire qu’il l’a fait tuer.
    Corbett se pencha.
    — Je ne dis pas que c’est ce que je crois. Je vous

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