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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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des semaines. Si c’était quelqu’un du prieuré, pourquoi une soeur assassinerait-elle deux voyageurs ? Et nos grands seigneurs du palais auraient fait du travail plus soigné.
    Corbett regarda le ciel en plissant les yeux.
    — Je pense qu’on a affaire à un seul assassin plutôt qu’à plusieurs. Un homme qui agit précipitamment, traîne les corps dans la morasse et s’enfuit.
    Le clerc grimaça un sourire et donna une petite tape sur l’épaule de son compagnon.
    — Ce qui, mon cher Ranulf, soulève un autre problème : une seule personne aurait-elle pu se rendre maître de deux individus en bonne santé ?
    Ranulf se leva en s’étirant.
    — On sent une certaine tension au sein du prieuré.
    Corbett eut une mimique narquoise.
    — Cela s’explique. Dame Amelia n’est pas très aimée. Elle a mis le holà à tous les petits plaisirs des soeurs, mais a autorisé une catin à résider au sein de la communauté. En outre, nous connaissons bien notre doux souverain, Ranulf : un beau jour, je suis sûr qu’il va lui demander des comptes.
    — Où allons-nous maintenant ?
    — Eh bien, je pense que nous en avons fini avec le prieuré pour l’instant, et les braves villageois de Woodstock n’en savent pas long. Il serait peut-être temps de rendre visite au noble prince héritier et à Lord Gaveston au palais !
    Ranulf ferma les yeux en grommelant.
    — Pense au bon côté des choses, lui lança Corbett en s’éloignant d’un pas alerte. Qui dit « palais » dit « jolies filles » !
    Ranulf jeta un regard furibond en direction de son maître.
    — Pour sûr, bougonna-t-il, mais qui dit « Gaveston » dit « Diable » !

CHAPITRE VII
    Édouard d’Angleterre siégeait sous son pavillon tendu de soie pourpre, dressé au centre du camp impressionnant qui s’étendait dans les prairies en contrebas de la masse redoutable du château de Nottingham. On rassemblait les troupes : archers aux broignes sombres, fantassins armés de longues lances et revêtus de surcots rembourrés et de casques coniques. Le souverain écoutait les ordres lancés par ses sergents, ainsi que les hennissements et les ébrouements des destriers à l’orgueilleuse lignée.
    Le roi, qui venait d’avoir soixante ans, était assis sur l’un des grands coffres de paie et il en tapotait le bois. Il espérait que ses barons lui avaient amené le ban et l’arrière-ban. Il était fermement décidé à prendre la tête de la plus puissante armée qu’il eût jamais commandée : il irait écraser les rebelles écossais, les piéger dans leurs vallées encaissées, raser leurs villages et pendre leur chef, Comyn le Roux. Il mettrait l’Écosse à feu et à sang, et flanquerait à ces traîtres une leçon qu’ils n’oublieraient pas de sitôt. Si seulement son fils était à ses côtés…
    Peu enclin à verser des larmes sur lui-même, le souverain sentit son coeur endurci battre un peu plus vite. Quelle erreur avait-il commise ? Il aimait son fils, il l’avait toujours aimé et il l’aimerait toujours. La mort de sa mère peut-être ? Ou aurait-il trop exigé de son enfant ? Les yeux clos, il se remémora les étés dorés… il y avait une éternité de cela. Aliénor, son épouse aux yeux noirs et à la peau mate, qui envoyait leur fils l’embrasser et lui, le fils à la chevelure blond argenté qui, fou de joie en le voyant, traversait un pré vert de toute la vitesse de ses petites jambes mal assurées. Oh, Seigneur ! Le roi crispa les paupières lorsque les souvenirs l’envahirent. Oh, Christ de Miséricorde ! pria-t-il, pourquoi ces visions laissaient-elles toujours une impression douce-amère dans son âme ?
    — Je donnerais tout ce que j’ai, marmonna-t-il, pour revivre ce temps-là !
    Mais son humeur changea brusquement et il grinça des dents de rage. Gaveston veillerait à y faire obstacle. Ce jeteur de sorts, ce fils pervers né d’une mère perverse ! Il avait bien pensé à le bannir, mais, derrière lui, se profilait le spectre de la guerre civile, car son fils résisterait et certains des grands barons – surtout parmi les plus jeunes – sauteraient sur l’occasion pour suivre son héritier. Si la guerre civile éclatait, les Écossais envahiraient les Marches du Nord, les Gallois se rebelleraient et les navires de Philippe de France mouilleraient au large de Douvres en moins d’une semaine. Mais Édouard connaissait la vraie raison pour laquelle il ne pouvait se

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