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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’un parti puissant, affrontant ses ex-geôliers. Monsieur
mon fils, si vous étiez Navarre, retourneriez-vous en ce sinistre Louvre avec
cette même Catherine, ces mêmes ministres, ce même Guise, et, battant les murs
du château, ce même peuple Saint-Barthélemisant de Paris qui tient Navarre en
plus stridente exécration que Belzébuth ?
    — Nenni.
    — Voilà votre réponse. Vous
vous l’êtes baillée à vous-même.
    — Mais, Monsieur mon père, le
prédicament n’est cependant point le même. Henri III n’est point
Charles IX. Il aime Navarre, et encore qu’il cale la voile quand il
le faut, sa volonté n’est pas vacillante.
    — Vous oubliez, Monsieur mon
fils, qu’Henri III n’a aucun point d’appui pour une politique quelconque
et qu’il est présentement en son Louvre aussi menacé que le serait Navarre,
s’il avait la folie de s’y aller fourrer.
    — Monsieur mon père, dis-je,
après m’être sur moi un petit réfléchi, peux-je répéter au Duc d’Épernon les
termes de cet entretien ?
    — Nenni, dit mon père avec un
souris qui démentait sa défense. Laissez donc Épernon plaider ! Il y a à
l’affaire d’autres considérations que celles que nous venons de dire. Elles
sont de si grande conséquence pour la paix du royaume que Navarre peut fort
bien balancer.
     
     
    J’examinai la gorge d’Épernon le
soir de cet entretien avant qu’il s’allât coucher, et la trouvai toujours rouge
et quelque peu gonflée, mais sans points ni plaques blanchâtres, d’où je
conclus que s’il continuait les gargarisations et le miel, il serait en bonne
voie de curation, pour peu qu’il prît garde de ne pas prendre froid, étant en
eau.
    Quand j’eus fini mon examen,
Épernon, qui n’avait certes point l’exquise civilité de notre bon maître et
souverain, me dit du ton bref et impérieux dont il usait avec tous :
    — Que dit Mespech de mon
ambassade ?
    — Ce que j’en dis, Monseigneur.
    — Et qu’en dites-vous ?
    — Que gîter derechef au Louvre
ne peut que rebuter Navarre.
    — Mais il se pourrait qu’il n’y
logeât point ! dit vivement Épernon, mais par exemple au château de
Saint-Germain-en-Laye, et bien garnisonné en troupes.
    Il n’en dit pas davantage, mais la
vivacité de sa repartie ne laissa pas de me persuader qu’Épernon sentait toutes
les difficultés de son entreprise et qu’il redoutait d’y faillir.
    Je ne sus pas un iota de ce qui fut
dit entre Épernon et Navarre ce jour-là à Pamiers, ni à Encausse le
29 juin, où ils s’encontrèrent à nouveau, mais en revanche, des longs
entretiens qu’ils eurent à Pau du 3 au 11 juillet, j’eus quelques échos
par mon père, lequel, s’il n’assista pas aux pourparlers, se trouva être
présent quand Navarre en débattit avec ses principaux conseillers, à savoir
Marmet, ministre de la religion réformée, Du Ferrier son chancelier et M. de Roquelaure,
lequel, quoique catholique, s’était fort fidèlement attaché à la personne et à
la fortune, bonne ou mauvaise, du Roi de Navarre.
    À vrai dire, Mespech n’ouvrit pas le
bec en cet entretien, Navarre n’ayant à aucun moment requis son avis, et quant
à moi, j’opine que s’il pria mon père d’assister à ce conseil secret, ce fut
pour qu’il m’en répétât les termes et que le Roi les apprît d’une autre source
que celle du Duc d’Épernon.
    C’est bien ainsi, de reste, que mon
père l’entendit, sans cela il ne m’en eût pas touché mot. Le plus singulier en
tout ceci fut que Navarre, à aucun moment en toutes ces journées, ne fit mine
de se ramentevoir de moi, ni ne m’adressa la parole, ni ne me jeta un regard,
tant familier il était pourtant avec tous, y compris avec le plus petit
gâte-sauce ou garçon d’écurie, et alors même qu’il avait quis à Pamiers de
Fröhlich ce qu’il en était de mon avancement et faveur à la Cour.
    Ce qui donna tout son poids à ce
conseil secret de Navarre, c’est que les participants savaient, au moment où il
se tint, que Monsieur, dont la vie depuis le début mai était déplorée,
avait passé à trépas le 11 juin, nouvelle que nous apprîmes le
8 juillet par un chevaucheur envoyé de Paris par le Roi. Il ne s’agissait
donc plus d’une éventualité, mais d’un événement accompli qui, laissant
Henri III sans successeur, le poignait urgemment de s’entendre avec
Navarre s’il ne voulait pas que le cardinal de Bourbon ne lui frisât le poil

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