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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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comme si le mot l’eût titillé.

— … est que le Roi a
désiré m’accommoder, vous sachant céans.
    — Il le savait, en effet.
Duplessis-Mornay m’a vu avec Navarre, et il est en Paris et à la Cour depuis avril.
    — La troisième raison,
repris-je, est que le Roi a pu penser qu’il vous tâterait le pouls par mon
truchement.
    — Holà ! Holà !
s’écria mon père en riant. Monsieur mon fils, espionnez-vous mon Roi pour le
compte du vôtre ?
    — Je sers l’un en servant l’autre,
croyant leurs fortunes liées.
    — Bien dit, fils ! dit mon
père. Elles le sont. Elles le sont dans le principe et elles le seront un jour
dans le fait. Contre Guise, le pape et Philippe II, le Roi n’a d’autre
allié sûr que Navarre.
    — Et Elizabeth.
    — Ha ! Elizabeth !
dit Jean de Siorac avec un sourire, est-ce là la raison pour que vous ayez
emmené dans vos bagues cet Anglais dont je dirais qu’il n’y a pas apparence
qu’il soit né dans la condition où je le vois ?
    — Oui-dà ! Il doit voir
Navarre pour sa souveraine. Le pouvez-vous arranger ?
    — J’y vais rêver. Révérend
docteur médecin, reprit-il avec un sourire, êtes-vous le médecin du Roi ou son
agent ?
    — Je suis les deux.
    — Gardez-vous bien ! dit
mon père en hochant la tête. S’il y a profit à être l’un, il y a danger à être
l’autre.
    — Le Roi m’en a prévenu.
Monsieur mon père, vous êtes-vous apensé que l’ambassade d’Épernon va
réussir ?
    — C’est à Navarre d’en décider.
    — Mais vous-même, qu’en
jugez-vous ?
    — Monsieur mon fils, dit Jean
de Siorac, son œil fort pétillant, êtes-vous en train de me sonder ?
    — Oui, Monsieur.
    Oyant quoi, mon père s’esbouffa à ne
plus savoir s’arrêter, sa chambrière Mariette, à cet éclat, levant la tête de
son ouvrage, et encore qu’elle n’eût pas entendu un traître mot de notre
discours, ne parlant que l’oc de ses montagnes, elle se mit à rire aussi,
réjouie qu’elle était de voir mon père si joyeux. Ce qu’observant Jean de
Siorac, il vint par-derrière elle, qui était assise sur une escabelle près du
fenestrou, et lui mignonna des deux mains les épaules, les bras et les tétins.
    — Le corps humain est
symétrique, dit-il. Raison pour quoi nous avons deux mains pour le caresser.
    — Monsieur mon père, dis-je,
vous ne m’avez pas répondu.
    — C’est que je pense qu’il vous
est loisible de vous répondre à vous-même.
    — Comment cela ?
    — À deux ans près, vous avez
l’âge du Roi de Navarre. Imaginez-vous à sa place en 1572, lui, le galapian des
montagnes du Béarn, le petit reyot à peine décrotté, parlant mieux l’oc que le
français, arrivant, éberlué au Louvre, jeté en pâture à la malice des muguets
de Cour, au déprisement des Grands, à la haine du peuple, étant huguenot. En
outre, les gambes courtes, le torse long, un nez dit-on «  plus long que
son royaume  », point beau, mal dégrossi, mal décrassé, mal parfumé ;
sentant l’ail, le pied, la sueur : préalable cocu cocué, épousant la
Princesse Margot, laquelle a déjà perdu pucelage à putasser avec le
Guise ; gaussé et moqué de tous, couvert de crachats et de brocards,
détesté par Catherine de Médicis pour ce que Nostradamus lui a prédit que
«  le Béarnais aura tout l’héritage  » ; voyant au matin de
la Saint-Barthélemy tous ses gentilshommes massacrés sous ses yeux dans la cour
du Louvre ; Charles IX lui mettant quasiment le cotel sur la
gorge : « Messe ou mort ! Choisis ! » Il choisit la
messe, il l’oit, il communie sous les quolibets de la Cour, Catherine
s’esbouffant à rire, l’œil et la face tournés vers les ambassadeurs étrangers.
Suivent quatre ans – quatre ans, mon Pierre ! – de captivité
dorée dans les murs du Louvre où «  le petit prisonnier de roitelet  »
tourne en rond, sa vie perpétuellement menacée. On fouille ses appartements. On
ne lui laisse qu’un valet. Quand la Cour voyage, on le serre dans le carrosse
de Catherine, où la Reine-mère, de son gros œil rond de chouette, le surveille.
Quand la Cour chasse, il est suivi de deux gentilshommes qui ne le quittent pas
d’un pouce, même quand il pisse. Quand il paillarde, c’est avec des créatures
de Catherine qui rapportent tout à leur maîtresse, même ses soupirs. Havre de
grâce ! Que de couleuvres avalées ! Il s’échappe enfin. Le voilà Roi
en son royaume, chef

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