Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
encontrer le baron de Mespech. Les joues
toutes gonflées de cette inouïe nouvelle, je retrouvai enfin dans le
tohu-vabohu de ce grand concours de peuple mes compagnons. Et je vous laisse à
imaginer la joie de Giacomi et de Miroul, lesquels dans l’impatience où ils
étaient de saluer Jean de Siorac me donnèrent tour à tour à moi-même une forte
brassée, laquelle je leur rendis à double et à triple, étant hors des gonds de
raison, tant le bonheur me soulevait de terre, Fröhlich (quand nous le
retrouvâmes enfin, dans la bordailla de la colorée cohue qui assiégeait la
maison de ville, en huchant des « vive le Roi » et « vive le
Duc » à oreilles étourdies), Fröhlich, dis-je, recevant toute sa part des
marques d’affection, Giacomi et Miroul étant tout comme moi excessivement
réjouis de revoir le géantin compagnon qui avait bataillé d’estoc et de taille
avec nous, quand nous nous mîmes à la fuite, douze ans plus tôt, dans le
sanglant Paris de la Saint-Barthélemy.
    Ha lecteur ! il est, certes,
bien des joies dans notre brève vie, mais en est-il de comparable à celle de
retrouver, après tant d’années, le visage d’un père chéri, d’ouïr à nouveau sa
voix et de le voir sain, gaillard, allègre, aller et venir en son logis à sa
coutumière guise, les mains aux hanches, le pas vif, le dos droit, le menton
relevé, blanchi, certes, de poil, mais l’œil bleu brillant de tous ses feux et
la lèvre gourmande testifiant qu’il était irrassasié des plaisirs de
l’existence, lesquels lui venaient des sens, de l’esprit et du cœur, car pour
ce qui est du paraître et de la gloire, il les tenait pour nuls.
    — Ha mon Pierre, dit-il après
s’être enquis de Catherine, de Samson et de moi, et avoir bu les nouvelles que
je lui en donnais, je m’ennuyais à mourir au côtel de ce grand niquedouille de
François, lequel est devenu si pompeux et paonnant depuis qu’à la naissance de
son aîné, son chef a reçu le tortil de baron de Fontenac. Certes, il gère bien
ledit domaine et le mien aussi, et il est fort exact à remplir les devoirs de
sa charge. Mais ventre Saint-Antoine ! mon Sauveterre me manquant
durement, et ma pauvre Franchou morte en couches, je pissais vinaigre à voir
continuement à ma dextre cette face-là, longue et triste comme un carême !
En outre, le voilà qui, ayant tourné jaquette comme tu sais, découvre que la
doublure lui colle à la peau, et se fait plus catholique que le pape, oyant la
messe tous les jours, adorant les saints, mâchellant des «  ave maria  »
et, le croirais-tu, pèlerinant ! Cornedebœuf ! Mon sang me bouillit à
ces momeries chattemitiques ! Je lui ai laissé ces deux mois écoulés le
ménage de Mespech, et me voilà suivant Navarre de bourg en ville, sans cure
aucune des méchants logis où je loge, n’ayant pour tout domestique qu’un petit
valet et une seule chambrière, laquelle, au demeurant, est bonne fille en
diable.
    Ha pensai-je, aguignant la mignote,
coite et quiète sur une escabelle à côtel du fenestrou, bonne fille en
diable ? ou diable en bonne fille ? Monsieur mon père, vos
soixante-sept ans vous pèsent peu sur le râble et de vous je serais fort
inquiet s’il cessait d’en être ainsi, étant quant à moi bien persuadé qu’impuissance
est fille d’abstinence, et non l’inverse.
    Après la repue, que nous gloutîmes à
dents aiguës et émoulues, Giacomi, qui sentait que mon père me voulait
entretenir en particulier, me dit qu’il avait appétit à voir la ville de
Pamiers et emmena avec lui Mundane et Miroul, nous laissant seuls. Sur quoi mon
père m’ayant demandé la raison pour quoi Henri Troisième avait voulu que
j’accompagnasse le Duc d’Épernon en son ambassade, je lui dis que cette raison,
à la vérité, était triple, une seule étant sûre, et les deux autres,
conjecturales.
    — Voyons celle-là qui est sûre,
dit Jean de Siorac en riant.
    — Le Duc pâtissant continuement
de la gorge, le Roi voulait que je le curasse, son médecin étant cloué au lit.
    — Et le Duc, en effet, pâtit de
cette intempérie ?
    — Sans doute aucun.
    — Que lui
prescrivez-vous ?
    — Des gargarisations d’eau
bouillue et salée, aux matines, à midi et à vêpres. Entre-temps, je lui
recommande du miel.
    — Et de l’eau, dit mon père,
dites-lui de boire prou.
    — Je n’y manquerai pas. La
deuxième raison…
    — Qui est conjecturale, dit mon
père en riant derechef,

Weitere Kostenlose Bücher