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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’il demeure tel qu’il
est que de se mettre en danger d’être réputé inconstant et léger sans apparence
certaine d’en tirer commodité. Que faire donc ? poursuivit-il. Rester
fidèle à la justice, veiller que le catholique ne pille point le huguenot, que
le huguenot n’entreprenne rien sur le catholique. Toute la France est affamée
de voir ces temps-là. Les deux factions qui semblent ce jour si incompatibles
se trouveront ainsi doucement rassemblées par la clémence.
    — Ha Monsieur mon père !
m’écriai-je, ce sont là de fort nobles paroles et qui me ramentoivent au plus
vif ce que nous dit un jour à Mespech Etienne de la Boétie, et ce que laisse
entendre Montaigne en ses Essais.
    — Et en son temps Michel de
l’Hôpital, dit Jean de Siorac, si amis de la tolérance sont les grands esprits
de ce siècle. Mais je poursuis. Au silence qui suivit la déclaration de Du
Ferrier, laquelle ne repoussait point absolument l’abjuration du Roi, mais la
trouvait inopportune, on sentit que Roquelaure avait perdu la partie, encore
que le Roi, sans donner raison à l’un ni tort à l’autre, se contentât, penché
sur Du Ferrier, de lui dire quelques mots à l’oreille. Après quoi, nous faisant
à la ronde un petit salut, et un sourire d’amitié, il déclouit la porte et s’en
alla.
    Le lendemain qui était un
11 juillet, mon père reçut à l’aube la visite du Roi de Navarre qui,
n’étant accompagné que du seul Roquelaure, prit une collation avec lui,
laquelle lui fut servie par le seul Mundane qu’on avait été en toute hâte
réveiller. Après quoi, mon père se retirant, Navarre et Roquelaure restèrent
avec l’Anglais, et ce qui se dit à cette occasion, je ne l’ai pas su, mais je
m’en doute assez, la Reine Elizabeth n’ayant pas intérêt à l’affaiblissement de
Navarre tant que le Guise menacerait de faire choir la France dans le camp
espagnol, auquel cas l’Angleterre s’encontrerait bien seule en son île,
d’autant qu’on commençait à murmurer partout que Philippe II préparait une
immense flotte pour l’envahir et y rétablir le papisme.
     
     
    Ce même 11 juillet, vint à
passer à Delft en Hollande un événement de grande conséquence et fort
désastreux pour la paix du monde, et combien que je n’en eusse connaissance
qu’un mois plus tard, je vais le dire ici, le cœur assurément aussi lourd et
navré à l’heure où j’écris ces lignes qu’à l’instant où j’appris cette
déplorable nouvelle : le Prince d’Orange, dit aussi le Taciturne, pour ce
qu’il parlait peu, mais toujours à bon escient, fut occis d’un coup de pistolet
par un nommé Balthazar Gérard, lequel, lui ayant remis une lettre, pendant que
le Stathouder de Hollande attentivement la lisait, lui tira du pistolet
par-dessous le grand manteau dont il était enveloppé et l’atteignit au cœur.
Mis à la question, Gérard confessa que le premier exhortement à cet assassinat
lui avait été donné à Rome par un jésuite, lequel lui assura qu’il ferait là un
acte infiniment méritoire qui lui vaudrait, à sa mort, d’être porté par les
anges droit au Paradis où il siégerait au plus près de Jésus-Christ et de la
Benoîte Vierge. Passant de Rome en Paris, il avait été affermi dans son dessein
par l’ambassadeur d’Espagne Mendoza, et en Flandre par le Duc de Parme qui lui
promit des biens immenses s’il venait à bout de l’exécuter. Pis encore, un
jésuite de Trêves lui enveloppa le corps d’un parchemin vierge et béni, lequel lui
devait assurer l’invulnérabilité après qu’il aurait frappé.
    Ainsi fortifié par la promesse de
l’impunité, de l’or espagnol et du Paradis, cette pauvre tête, croyant ne
servir que Dieu en cette affaire, où bien d’autres intérêts que le sien
montraient le bout de leur diabolique oreille, dépêcha le plus magnanime des
princes et, sur le continent, le plus solide rempart de la foi huguenote. Le
Duc de Parme, triomphant, mit aussitôt en branle l’énorme machine qui devait
enlever le port d’Anvers, réduire les Flandres, et menacer l’Angleterre.
    Nous étions en Lyon quand la
nouvelle nous parvint et l’apprenant moi-même à Mundane, bien je me ramentois
que, se laissant tomber sur une escabelle, il se prit la tête dans les mains et
pleura de chaudes et amères larmes, me laissant étonné de son soudain
émeuvement, pour ce qu’il était à son accoutumée d’une complexion calme,
tardive et

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