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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fort civile) de continuer par le plus
court, le message dont il était porteur ne souffrant aucun délai. Je résistai
de prime à cet assaut, mais le pauvre Mundane le renouvelant d’une manière si
désespérée qu’on eût cru que la vie de sa Reine en dépendait et Miroul, dont je
requis alors l’avis, abondant dans le sens de l’Anglais et de Giacomi, je ne
voulus pas avoir raison contre tous, et de maugré, contre ma propre raison, et
au rebrousse-poil de mon meilleur instinct, j’abandonnai mon projet.
    En quoi, j’eus grandement tort,
comme l’irréparable suite de l’affaire me le montra bien : J’en ai encore
à ce jour le plus grand regret et pâtiment, gardant toujours en la pensée
l’âpre leçon que je reçus en ce voyage et qui est que le chef naturel d’une
troupe, s’il est bien avisé de consulter ses compagnons à l’heure du péril, doit
cependant décider seul, fût-ce même à l’encontre des siens, ce qu’il tient pour
le plus sûr, étant seul comptable du succès de l’entreprise et de l’existence
de tous. Responsabilité à quoi je faillis ce jour, pour la première – et
je prie Dieu de me tenir à ce serment –, pour la dernière fois de ma vie.
    On logea à Mâcon à l’Auberge du
Cheval Noir, laquelle est sise dans le faubourg nord de la ville, en un
carrefour qui est dit du « cheval mort », ce qui fit dire à Miroul
que le pauvret avait dû mourir de la peste, pour ce qu’étant devenu tout noir à
son décès, il figurait maintenant sur l’enseigne de l’alberguier, et dans l’âme
d’ycelui, qui nous écorcha proprement, nous extorquant cinq écus là où deux
auraient suffi, arguant que le grand chemin étant si passant, son logis ne se
trouvait pas à court de chalands. Ce qui de reste se vérifia, pour ce qu’une
heure après nous, tandis que nous étions fort occupés à notre repue, quatre
gautiers lui vinrent demander gîte, qu’il plaça au bas bout de notre table et
qui se jetèrent sur les viandes comme porcs à l’engrais, étant gens de basse
mine, barbus et sales, dînant le chapeau sur l’œil, ne poussant que grognements
là où on eût attendu des mots, et leur chef se curant les dents avec son cotel.
Je dis leur chef, car il me parut tel de par l’autorité qu’il paraissait
détenir sur les trois autres, encore qu’il fût le plus petit des quatre, fluet
comme belette, et le museau fort renardier.
    La vue de ces gorets s’éclaboussant
de sauces dans leur avidité à gloutir (Miroul me disant à l’oreille qu’on
pouvait connaître aux taches de leurs pourpoints ce que ces gueux avaient mangé
depuis huit jours) étant fort peu ragoûtante, mon œil, les laissant là, s’amusa
au manège de la chambrière, laquelle était une brune, vive et frisquette
mignote que l’alberguier d’enfer appelait Marianne et qui, nous ayant fait
quelques avances et caresses de main à main en nous servant à boire, à Giacomi
de prime, à moi ensuite, et ne se voyant pas encouragée en ces quartiers,
Giacomi étant dans ses malenconies et moi dans le pensement de mon Angelina,
jeta incontinent le gros de ses forces contre Miroul. Mon gentil valet, encore
qu’il aimât sa Florine de grande amour, n’était pas homme à résister à un
cotillon et capitula aux premières escarmouches, la friponne, alors multipliant
les assauts au point de lui mettre son mignon tétin contre la bouche sous
prétexte de le servir. Tant est que j’augurai que mon Miroul n’était point pour
réparer prou ses forces en la nuit qui venait. Tenant l’affaire pour conclue,
et opinant avec Montaigne «  qu’il faut laisser un peu de place à
l’imprudence d’un valet  », surtout quand ce valet vous sert comme me
servait Miroul, je pris le parti de contrefeindre une complète cécité à la
connivence du couple et engageant mon Giacomi en un entretien sur Larissa,
j’entrepris de rallumer quelques flammettes d’espoir dans les cendres qui
l’étouffaient.
    Cependant, mon œil étant qui-cy
qui-là attiré par les allées et venues de la mignonne – y ayant une sorte
d’invincible attrait dans le corps féminin qui me contraint à l’envisager dès
qu’il entre en branle – je la vis plongée en un assez longuet
conciliabule, à l’autre bout de la table, avec la belette à face renardière que
j’ai jà décrite, ce qui me fit quelque peu la dépriser, le guillaume étant si
bas – et davantage encore quand je la vis, revenant à notre bout,

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