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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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imperscrutable, même quand il gaussait, ce qu’il faisait non en
riant, mais en gloussant.
    — Ha, dis-je, Mister Mundane,
connaissiez-vous le Taciturne et étiez-vous à lui si affectionné ?
    — No, no, dit-il, oubliant son français en le désarroi de cette mort. I have
never set my eyes on him [28] .
    — D’où vient donc que vous
preniez la chose à si grand dol et fâcherie ?
    — Oh my queen ! dit Mundane
soulevé de sanglots, my queen ! my poor queen !
    — Que fait votre Reine en ce
discours ? dis-je, béant.
    — She is the next on the
list [29] , dit Mundane, ôtant la tête de ses mains et
m’envisageant d’un air fort égaré.
    À quoi, entendant bien qu’il
craignait maintenant pour Elizabeth, Philippe II et les jésuites ayant si
bien réussi en leur attentement contre le Taciturne, je le confortai de mon
mieux, lui remontrant que l’Angleterre se trouvant être une île, l’entrant s’en
pouvait garder facilement en surveillant les ports, et que Walsingham, à ce
qu’on disait, avait, comme Argus, cent yeux, dont la moitié toujours ouverts,
pour épier les ennemis de la Reine. Le nom de Walsingham, lequel était le
ministre dont, je gage, ce gentilhomme était l’agent, lui remit du cœur au
ventre et les pleurs lui tarirent aux yeux, me laissant émerveillé de l’immense
amour qu’il portait à sa souveraine. Plût à Dieu qu’il y ait en France chez les
Français naturels une aussi belle et grande affection au Roi que
celle-là ! Et que nos épées le puissent à jamais garder des poignards dont
il est entouré !
    C’est à Lyon qu’Épernon rejoignit
Henri III, lequel y était venu pour ôter le gouvernement de la ville au
seigneur de Mandelot (dont il avait eu vent qu’il était guisard) et de le
donner au Comte du Bouchage, ce frère de Joyeuse dont j’ai jà parlé en cette
chronique. Pour les mêmes raisons il ôta la capitainerie et la citadelle à La
Mante et la bailla à Montcassin, en qui il avait fiance pour ce qu’il était
cousin du Duc d’Épernon : Fiance qui fut, hélas, mal placée, ledit
Montcassin, en la suite des jours, le trahissant pour Guise. Tant il était
malaisé au Roi en ce méchant siècle, et Guise s’étant mis dans son royaume
comme le ver dans le bois, de s’appuyer sur des serviteurs qui ne fussent pas
tout à plein pourris.
    Comme Épernon approchait de Lyon, un
fort stupide accident lui faillit coûter la vie. Bon nombre de gentilshommes de
la suite du Roi vinrent de Lyon à son devant et rencontrèrent sur un chemin
assez étroit que bordait un ravin. Ceux-là, après les salutations, tournant
leurs chevaux pour s’en retourner à la ville et y précéder l’archimignon, il se
trouva que, par male heure, l’épée d’un guillaume accrocha la bride du cheval
ducal, lequel, effrayé, leva la tête, recula, et roula dans le précipice avec
son cavalier. On les crut morts, et la monture l’était, mais non Épernon qui
était seulement pâmé, ayant l’épaule démise, mais sans rupture d’os. Je la lui
remis sur l’heure, et à Lyon, le pansai de quelques écorchures tandis que le Roi,
de prime fort inquiet (le bruit ayant couru à Lyon qu’Épernon avait passé) fut
fort aise d’ouïr de ma bouche que la navrure était de petite conséquence.
    — Épernon, mon petit maître,
dit Chicot, que si tu avais vu la grande liesse des manants et habitants de
Lyon à la nouvelle de ta mort, tu aurais su comme on t’aime…
    — Peu me chaut d’être aimé, dit
Épernon, sans même sourire à cette gausserie, je sers le Roi.
    — Et fidèlement, dit le Roi.
    — Voire, mon petit œil !
dit Chicot. Est-ce pour servir le Roi que tu as ôté la capitainerie de Loches à
M. de La Châtre, ou pour te la bailler à toi-même ?
    — Oui-dà ! dit Épernon
sans battre un cil. La Châtre est un guisard, toute bonne mine qu’il m’ait
faite. Ses caresses à Loches sentaient la puce.
    En quoi l’archimignon ne se trompait
pas, La Châtre, dans la suite, passant au Guise, et lui livrant la ville de
Bourges. Je consigne ceci en ma chronique afin de rendre toute justice à
Épernon. Aussi, sur le chapitre des pécunes où son avidité a été tant blâmée,
désiré-je ajouter que les innumérables écus qu’il se fit bailler par le Roi, ne
tombaient pas tous en son escarcelle, mais se trouvaient parfois employés au
royal service : comme par exemple les deniers par quoi il recruta et paya
cette fameuse troupe des

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