Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
durement
rabattre la main de mon Miroul qui lui biscottait les arrières, et ne faisant
dès lors pas plus cas de lui que s’il eût été un croûton moisi, tourner tout
soudain ses batteries contre Mister Mundane – dont l’œil, à dire le vrai,
ne l’avait pas un instant quittée et lui tirer tant de salves qu’elle fit
brèche et fut dans la place en un tournemain. Ha ! m’apensai-je, combien
de ce suave sexe sont à la lune semblables, de laquelle le visage se varie au
fil du mois en mille figures ! Aussi bien, n’est-ce pas de jours qu’il
s’agit ici, mais de minutes !
    Le chiche-face d’alberguier nous
vint dire après la repue de bien garder pour la nuitée à clore et remparer les
contrevents de nos fenêtres, celles-ci donnant sur le chemin, et le faubourg
pullulant de mauvais garçons qui, voyant une verrière ouverte à la lune, ne se
feraient pas vergogne d’y monter, par échelle ou chanlatte, pour surprendre les
dormeurs à l’avantage. Également, de bien entraver nos montures à l’écurie et
de commander à nos valets d’y tenir l’œil quand et quand, pour non pas qu’on
nous les larronne, car si bien clos et verrouillé que fût l’huis donnant sur le
chemin, il n’avait pas à s’y reposer, ces gueux passant par le chaix d’une
aiguille pour rober le bien d’autrui.
    Pour Giacomi et moi qui partagions
même lit en une chambre, nous eussions bien aspiré à laisser nos contrevents
déclos, la nuit d’août étant fort chaude, étoilée et lunaire, mais à la plus
fraîchelette brise préférant la sûreté de nos vies, je fis comme l’alberguier
d’enfer avait dit, et à Mundane qui devait dormir avec Miroul dans une chambre
jouxtant la nôtre, je répétai les instructions de l’hôte, craignant qu’il ne
les eût entendues, le français du bonhomme étant baragouiné d’un patois de
Mâcon.
    Cependant, je n’avais pas plus tôt
clos ma porte qu’on y toqua, et l’ouvrant, quasi nu que j’étais (tant mon lit
appelait jà mes gambes lassées) je vis mon Miroul, lequel tout habillé, avec
pistolet à la ceinture, épée et dague – sans compter ses deux cotels qu’on
ne pouvait voir pour ce qu’il les cachait dans ses chausses – me
dit :
    — Moussu, je me suis apensé que
j’irai dormir à l’écurie, pour non pas avoir à y descendre deux ou trois fois
la nuit, ce qui serait de petit gain, si on nous larronne nos montures dans les
intervalles.
    Il me dit cela d’un certain ton tout
ensemble chagrin et méritant, et moi, élevant la chandelle pour mieux voir sa
face, je lui trouvai la crête fort rabattue, ce qui me mit en pensée qu’ayant
été tout soudain reculé des premières faveurs de Marianne au bénéfice de
Mundane, il voulait laisser à l’Anglais place libre en sa chambre, se donnant
quelque peine à faire le généreux, et allant sur le foin de l’écurie, comme on
dit en Périgord, manger son rôt à la fumée. Car jamais plus beau songe
n’a remplacé mignote et mieux vaut, comme chacun sait, chambrière en auberge
que Princesse en palais, si celle-ci n’est que rêve.
    — Va, va, mon Miroul, dis-je,
me sentant marri pour lui pour ce qu’il allait garder gorge sèche après avoir
eu tant de salive en bouche, tu fais bien : on ne saurait prendre trop de
sûretés, les chemins étant si mal famés, et les porcelins guillaumes qu’on a
vus ce soir se ventrouiller dans leurs viandes me paraissant avoir gros cous
pour grosses cordes !
    Quoi dit, et l’ayant adouci plus
outre de mes louanges, je le poutounai de bon cœur sur les deux joues, le
renvoyant content assez de lui-même et de sa vertu, ce qui toutefois est petite
pitance quand on se proposait de mordre à si mignon péché.
    Je ne m’ensommeillai point tant vite
que j’eusse pensé, ayant le cul si dolent de notre longue trotte, et mon
pensement retournant quand et quand aux gueux qui nous avaient suivis sur le
grand chemin, je regrettais plus qu’à moitié le parti que j’avais élu, opinant
qu’il n’est pire vice que l’impatience, laquelle nous avait fait quitter de
prime la suite du Roi et d’Épernon, pour nous mettre au péril de voyager hors
des gros bataillons et présentement nous poussait à persévérer dans l’erreur à
non pas prendre par le plus long. Et cette inquiétude me poignant enfin à me
faire battre le cœur, je me levai et allai bien vainement vérifier si mes
contrevents étaient bien remparés, puis toquant à la porte de Mundane,

Weitere Kostenlose Bücher