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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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disparaître, non assurément je n’y pense point,
reprit-il, son œil tant faux que sot, aguignant de tous les côtés comme pour
trouver un trou de souris où il s’eût pu cacher, non, non, ajouta-t-il, sa voix
montant tout soudain dans l’aigu, je n’y pense point, comme étant hors de toute
raison et apparence, et contre l’ordre de nature qui veut que le vieil précède
le jeune en la tombe…
    — Mon cousin, dit le Roi, la
face grave, mais l’œil pétillant, étant en son for très ébaudi par les
protestations du cardinal, ne voyons-nous pas tous les jours comme l’ordre de
la nature s’inverse et s’intervertit, le jeune précédant le vieil sur le chemin
du Styx. Si cela donc advenait en ce qui me concerne, dites-moi, mon cousin,
dites-moi librement, comme vous avez promis de le faire, ne voudriez-vous pas
disputer ma succession à votre neveu le Roi de Navarre ?
    — Ha Sire ! gémit le
cardinal en se donnant quelque timide peine pour retirer son bras du bras du
Roi et ralentir le branle que Sa Majesté lui donnait qui-cy qui-là dans la
chambre, Ha Sire ! Vous me pressez beaucoup !
    — Mais, à la fin, Monsieur le
Cardinal, dit le Roi, n’allez-vous point me dire là-dessus toute la vérité,
celle-ci ayant, au demeurant, comme une affinité naturelle à votre état
sacré !
    — Assurément, dit le cardinal,
fort essoufflé du branle qu’on lui donnait. Eh bien, Sire, puisque vous me le
commandez de si pressante sorte, encore que le grand malheur que vous évoquez
ne me soit jamais tombé en le pensement, étant si éloigné du cours de la nature
et du discours de la raison (phrase de prêche, pensai-je, en oyant le cardinal
la débiter si vite), toutefois ajouta-t-il la paupière baissée, si ce grand
malheur advenait, pour lequel je n’aurais jamais assez de larmes et
d’affliction toutefois, Sire, en ce cas, je pense que le royaume me devrait
revenir à moi, comme étant bon catholique, et non pas à mon neveu Navarre, qui
est huguenot, et je serais alors fort résolu à ne lui pas quitter.
    À quoi, le Roi arrêtant le fol
va-et-vient d’un bout à l’autre de la chambre, mena le cardinal jusqu’à l’huis
et là, retirant son bras du sien, l’envisagea avec un sourire et dit :
    — Mon bon ami, Paris vous
donnerait, se peut, la couronne, mais le Parlement vous l’ôterait.
    Ayant dit et se tournant vers Du
Halde, il lui dit d’une voix gaussante :
    — Du Halde, raccompagnez
monsieur le cardinal de Bourbon, avec tous les honneurs que vous devez à sa
personne, à son état et à ses ambitions.
    Après quoi, sans lui présenter la
main, il fit au cardinal un petit salut et lui tourna le dos.
    Et dès qu’il eut sailli hors, il se
jeta sur son grand fauteuil et se cachant la bouche de sa main, comme font les
dames, s’esbouffa à rire, en cela imité par Du Halde, Chicot et moi, mais non
le page, lequel nous espinchait de ses grands yeux bleus, sans mot piper.
    — Henri ! dit Chicot, que
tu as bien tiré les vermes hors du nez du Grand Sottard !
    — Des vermes ou des
vipères ! dit le Roi.
    — Monsieur Chicot, dit alors le
page, me laissant béant qu’il présumât ouvrir le bec en présence de Sa Majesté…
    — Monsieur Chicot ! répéta
Chicot comme indigné. Galapian ! Oses-tu bien me monsieuriser ! Sache
que je suis Chicot tout court, bouffon de sa double majesté, mais hors la
présence royale, appelle-moi Sire aussi, étant le Roi des bouffons.
    — Chicot, fit le page en
rougissant, je m’en ramentevrai.
    — Parle, cependant, mon enfant,
dit le Roi avec sa coutumière bénignité.
    — Sire, dit le page qui ne
savait plus s’il devait s’adresser au Roi de France ou au Roi des
bouffons : Pourquoi le Parlement ôterait-il la couronne au cardinal ?
    — Pour ce que, dit le Roi
gravement comme s’il se fût adressé à son grand conseil, le cardinal appartient
à la branche cadette des Bourbons dont son neveu Henri de Navarre incarne, lui,
la branche aînée.
    — Malgré tout, Henri, dit
Chicot, le Parlement oserait-il quitter le sceptre au cardinal, si Guise était
en position de lui mettre le cotel sur la gorge, les parlementaires n’étant
pas, que je sache, de l’étoffe dont on fait les héros !
    — Assurément, dit Henri, mais
cela advenant, les règles de la succession monarchique seraient manifestement
violées et la légitimité du Roi pourrait être à chaque instant récusée, l’État
s’encontrant ébranlé en

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