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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mûrie, ayant atteint cet âge où les grâces et les enchantements du sexe
jettent leurs derniers feux, lesquels devraient toucher d’autant un esprit
délicat qu’ils sont comme une ultime victoire remportée sur la mort, alliait à
cette séduction particulière une âme haute qui, peu ragoûtée d’une brève et
brutale encontre, eût aspiré à une longue amitié avant que de lâcher la bride.
Et qu’elle fût résolue à ne la pas lâcher du tout, c’est ce qu’elle me dit de
prime, me donnant à entendre que les petites privautés à quoi son rollet
l’obligeait en public – les souris, les regards, les mains entrelacées,
les marchements de pieds – se devraient arrêter sur le seuil du logis où
elle me recevait. Je lui en donnai l’assurance. Et nous vécûmes ces quelques
jours en bonne et amicale intelligence, fort chastement en ses murs, fort amoureusement
hors, encore que je n’eusse certes pas à me contraindre prou pour l’entourer de
mes attentions et de mes mignonneries – lesquelles je suis bien assuré
qu’elle recevait bien volontiers, pour ce qu’elle jouait son rollet avec une
telle insurpassable vérité que je pouvais bien supposer qu’elle y prenait
plaisir.
    Je fis donc parade de mes amours
avec la belle Lady T en tous les endroits de Londres où nous pouvions être
vus de M. de Bellièvre et des gentilshommes de sa suite, tant est que mon
affaire avec cette noble dame fut crue, glosée et commentée en d’infinis
racontements dont les échos se réverbérèrent jusqu’en Paris, comme je dirai.
    Pour moi, je n’aurais pas souhaité
meilleur guide que Lady T en ma visite de Londres, ni plus savante de son
passé, ni plus raffolée de sa ville, que pour lui complaire je louais
grandement, encore que je ne trouvasse pas que L’Aubépine avait erré en disant
que Paris était plus grande et plus peuplée. Ce qui ne se peut nier, car les
manants et habitants de Londres atteignent, à ce qu’elle me dit, cent vingt
mille, tandis que ceux de notre capitale dépassent trois cent mille. Je ne
trouvai pas non plus qu’elle fût si riche en beaux monuments et surtout en
églises, bon nombre d’entre elles ayant été détruites au moment de la
dissolution des monastères, ceux-ci ayant été vendus par la couronne aux riches
particuliers qui rasèrent ces gracieuses chapelles, tel pour y bâtir un jeu de
paume, tel autre une taverne, et tel autre, son logis. Grande pitié,
assurément, que cette destruction et aussi que cette iconoclastie qui a réduit
à rien en les églises subsistantes tant de sculptures et de tableaux.
    Ce n’est pas à dire que la
cathédrale de Saint-Paul et l’abbaye de Saint-Pierre à Westminster ne soient
très magnifiques, ni la Tour de Londres, grandiose et redoutable, ni fort bien
ornés les palais de la Reine (laquelle est plus riche que le Roi de France en
demeures, en ayant en la capitale une bonne demi-douzaine, si bien je me
ramentois) mais ils n’ornent qu’une partie de la ville, à l’ouest : le
reste, à mesure qu’on chemine vers l’est, est à part la Tour de Londres un
désert, bâti de branlantes maisons de bois, coiffées de paille et de roseaux,
taudis sordides qui n’ont, je gage, rien à envier aux bauges du faubourg Saint-Germain.
    Quant aux rues, elles sont partout
tant sales et puantes qu’en Paris, charriant en leur milieu bren et pisse, et
pour l’eau de Tamise, je ne la crois pas plus saine, à son odeur, que l’eau de
Seine, ni moins pullulante en rats et animaux crevés. Tout au plus peut-on dire
que les Londoniens sont plus dextres à en tirer de l’eau que nos Parisiens,
pour ce que j’ai vu, accolée à une arche du pont de Londres, une fort
ingénieuse roue, laquelle était mue par la marée montante et remplissait une
vaste citerne où la commune venait puiser. Pour son contenu, je craindrais fort
pour ma santé si je devais y goûter, d’autant que la marée la doit rendre
quelque peu saumâtre.
    La merveille de la ville de Londres,
en mon opinion, c’est la rivière de Tamise, laquelle est tant large et profonde
que les plus gros galions y peuvent aborder, ce qui fait que la capitale
anglaise, sans avoir la vulnérabilité d’une ville construite sur la mer, en a
néanmoins toutes les commodités, étant tout ensemble une ville à l’intérieur
des terres et un port où les navires sont à quai et à l’ancre en entière
sûreté.
    Les Parisiens naturels ne se peuvent
faire aucune idée de

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