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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mais devinant ce branle et se détournant, elle lui
jeta un regard si froidureux que le pauvret se rassit, navré et comme écrasé
par un tant manifeste éloignement.
    J’éprouvai alors pour lui une grande
compassion, y ayant quelque apparence qu’il était le grand perdant de
l’affaire, ayant renoncé à l’un sans gagner l’autre. Et lui devant annoncer le
départir de Fogacer, je pris soin d’adoucir cette terrible annonce en lui
apprenant la libéralité de son maître à son endroit, laquelle, si elle ne
pouvait remplacer sa tutélaire présence, lui assurait du moins pain et gîte en
ce monde de mésaise. Il pâlit d’abord, et se mit ensuite dans les larmes, et ne
put piper mot tant un dol souffreteux le poignait, et tant est que, moi aussi
accoisé, attendant qu’il se maîtrisât, je l’envisageais en silence, fort
aimable drole qu’il était, et qui ne manquerait jamais d’amies parmi les
personnes du sexe, puisqu’il était clair qu’il inclinait à elles, tenant
quelque peu du maure ou du marrane en son teint et coloris, étant fort brun de
poil et fort mat de peau, l’œil noir velouté, le cheveu aile de corbeau
joliment tortillé, la lèvre pleine et vermillonne, et je ne sais quoi de tout
ensemble suave et viril dans le dessin de la joue et du col, à quoi les
mignotes, à ce que j’augure, ne laisseraient pas d’être sensibles. De reste,
l’esprit vif, le parler élégant et facile, et le cœur jamais loin des lèvres,
tant candide et droit il était.
    — Ha Monsieur, dit-il en se
levant de son escabelle, ses larmes tarissant enfin, quelle étrange perte je
fais là ! Et que vide me paraît ma vie ! Un si bon maître ! Le
plus savant des hommes ! Le plus humain et bénin aussi ! Il ne lui a
pas suffi de me tirer de ma boue. Il m’a instruit. Il fut pour moi toute ma
parentèle. Je lui en sais immensément gré, et il n’est fils de bonne mère en ce
royaume pour qui j’aurais jamais plus grand respect ni amitié plus immutable.
    — Pourtant, dis-je, je t’ai vu
âprement le tabuster en ma librairie et il m’a semblé qu’en ces dernières
semaines tu étais à lui tout estrangé.
    À quoi ne sachant de prime quoi
répliquer, Silvio rougit, baissa la paupière, tout oppressé de sa vergogne, et
mon patient silence appelant pour finir son répons, il me dit, sa voix comme
étouffée par le nœud de sa gorge :
    — Monsieur, vous touchez là un
point qui pourrait donner offense à tout autre qu’à vous, car je sais par mon
maître Fogacer, qui vous en a si souvent loué devant moi, que vous êtes nourri
du véritable lait de l’Évangile, et acceptez sa personne et son être tels
qu’ils sont, sans les blâmer ni les flétrir en aucune guise. Mais pour moi, il
faut que vous sachiez que je ne suis pas fait de cette farine que vous souffrez
chez lui. De par ma naturelle pente, je n’incline pas à la bougrerie –
s’il faut par son nom l’appeler – et je n’y ai consenti que par gratitude
à son endroit, tant est qu’à la parfin, j’ai désiré devenir un homme en tous
mes offices et fonctions, et discontinuer cette relation où j’étais avec lui.
Raison pour quoi, Zara m’ayant fait les ouvertures qu’elle vous a dites, je n’y
fus que trop consentant, et y allai à la furie, fort curieux de prime de ce
corps féminin qui m’était tout a plein déconnu, et fort enivré de lui dès que
je fus admis en sa possession. Hélas, Monsieur, je n’ai eu Zara que pour la
perdre aussi…
    — Cependant, Silvio, dis-je,
rends-lui cette justice. Elle ne t’a rien promis. Elle ne t’a pas trompé.
    — C’est vrai. Mais que rude et
roide fut son rebuffement dès qu’elle eut eu de moi l’usance qu’elle en
voulait ! Ha Monsieur, tant s’en faut que cette corporelle enveloppe, tout
émerveillable qu’elle soit, enferme un cœur si tendre et si bénin que celui de
mon maître !
    — Silvio, dis-je avec un
sourire, le cœur ne faille pas non plus à ce suave sexe, comme bien tu le
verras un jour, étant si jeune, et le monde devant toi si vaste, et peuplé
d’une infinie variété de gens. Attendant quoi, Silvio, nous t’allons garder
avec nous, mon Miroul te donnant quelque tâche qui distraira ton pensement des
grandes pertes que tu as subies.
    Il me fit à cela des balbutiants
mercis, et je le quittai, m’apensant que l’aride coudoiement de Zara en mon
logis, joint à l’absence de Fogacer, n’allait d’ores en avant apporter au
pauvret

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