Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
quémande quand et quand
une pensée du bon du cœur.
     
    Ton affectionné
    FOGACER. »
     
     
    Ha certes, cette pensée, je la lui
donnais mille fois, mais encontrant en cette lettre un ou deux passages qui me
parurent mal éclaircis, je résolus d’en demander incontinent la raison à Silvio,
lequel j’allai trouver en sa chambre, à l’huis de laquelle ayant frappé sans
recevoir répons, je présumai d’entrer, et à ma considérable béance, trouvai
Zara et Silvio, tous deux à la vérité vétus, la première assise comme Reine sur
l’unique fauteuil qui se trouvait là, levant fort haut la crête et l’air fort
roide, et à ses genoux, quasiment les mains jointes, la mine très déconfortée,
et les larmes ruisselant sur sa face, le second – lequel, à ma vue se
levant, parut frappé de terreur, et se fût ensauvé, je crois, si je ne l’avais
arrêté par le bras et contraint de s’asseoir sur une escabelle.
    — Silvio, dis-je, qu’est
cela ? Que fait Zara céans ? Que fais-tu à ses genoux ? Que
veulent dire ces larmes ?
    Mais Silvio, à ces paroles, baissant
la tête, paralysé par sa vergogne, et ses pleurs coulant toujours, je me
tournai vers Zara, de l’œil l’interrogeant, à quoi la belle, sans rien rabattre
de sa crête, sans honte aucune, mais bien le rebours comme dédaigneuse et quasi
triomphante, me dit d’une voix égale :
    — J’ai prié Silvio sans nulle
promesse de foi et de fidélité de me rendre grosse de lui, et maintenant que
c’est fait, le béjaune, au lieu d’accepter son congé comme loyalement l’en
avais prévenu, me veut coller à la peau comme poux dans le poil d’un moine.
    — Quoi ? dis-je en
décroyant presque mes oreilles, Zara, toi, grosse ? Grosse de
Silvio ? Toi qui disais haïr les hommes ?
    — Mais je les hais, dit Zara
d’un air d’infini déprisement, tant est toutefois que me voulant grosse, pour
me revancher de Gertrude, j’ai choisi celui-là, lequel est à peine un homme,
étant si jeune et si mollet.
    — Mollet ! s’écria Silvio,
ses larmes tarissant sous le coup de l’affront. Mollet ! s’écria-t-il en
secouant ses boucles brunes d’un air indigné. N’as-tu pas quelque raison,
méchante, de penser le rebours ?
    — Tu m’entends, dit Zara d’un
air d’écrasante hautesse. Et peux-tu te flatter, galapian, que je t’aie promis
mariage ? À toi ou à quiconque ?
    — Mais Zara, dis-je, stupéfait,
si tu ne veux point d’un mari, comment feras-tu pour élever l’enfantelet que tu
portes ?
    — Ha ! Monsieur le
Chevalier ! dit-elle avec une incrédible superbe, faites-moi fiance !
Je me tirerai bien d’affaire seule ! S’il le faut, je labourerais même de
mes mains ! ajouta-t-elle en envisageant sur ses genoux ses belles et
longues mains, comme si le pensement de les contraindre à un ouvrage l’eût
elle-même étonnée.
    — Ha ! Zara !
Zara ! dis-je, ne sachant si je devais rire ou me fâcher de son étrange
irraisonnableté, fallait-il en arriver à cela pour contenter les mauvaises
dents que tu nourris contre Gertrude ! N’est-ce pas folie que de gagner
une enflure du ventre rien que pour la dépiter ? L’espères-tu à tes
volontés plus ployable, quand tu auras mis au jour un enfantelet ?
    — Je ne sais, dit Zara, son œil
s’attristant tout soudain. Je ne peux croire qu’elle ne m’aime plus, après tant
d’années que je l’aime et qu’elle m’oubliera toute et ne me voudra pas
secourir, ni m’avoir près d’elle, moi dont la vie hors d’elle n’a ni sens ni
substance.
    La vraie Zara, proche de véritables
larmes, parlant pour le coup sans crête ni hautesse, j’entendis bien que cet
enfantelet était comme une sorte d’appel, et qu’elle ardait désespérément à le
partager avec Gertrude et avec elle l’élever ; cette pensée alors me touchant
excessivement, je la pris dans mes bras, lui donnai deux poutounes et la
renvoyai dans sa chambre, lui quérant de ne rien dire de tout ceci à mon
Angelina qui en serait très déconfortée, et que j’aviserais à en parler à
Gertrude. Ce qu’oyant, Zara se redressa tout de gob et me dit d’un air fendant
qu’elle me le défendait bien. Mais belle lectrice, tu sais ce que vaut l’aune
de ces défenses-là, lesquelles ne sont faites que pour n’être pas obéies.
    Silvio, qui de tout ce temps était
resté coi et quiet, fit quelque mouvement pour se lever de son escabelle quand
Zara marcha vers la porte,

Weitere Kostenlose Bücher