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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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funeste 1588. Nous y sommes, Chevalier.
    — Mais, qui dit que nous doit
tomber sus l’abomination de la désolation ? Un rêveur assurément !
    — Nenni, nenni ! Un
savant ! Un savantissime que vous n’êtes pas sans connaître :
Regiomontanus. Celui-là même qui établit les tables des étoiles, lesquelles
permirent à Christophe Colomb de diriger sa route vers les terres inconnues des
Amériques.
    — De ce que les étoiles guident
la nuit notre chemin, dis-je, il ne suit pas qu’elles influencent la destinée
de la terre.
    — Ce n’est pas ce que croit
Regiomontanus. Il a calculé qu’une éclipse du soleil aura lieu en février de
l’année 1588, et qu’à ce moment les astres seraient dans la plus redoutable
conjonction, Saturne, Jupiter et Mars étant situés dans la maison de la Lune.
    — Va pour la conjonction,
puisqu’il l’a calculée. Mais pourquoi redoutable ?
    — Je ne sais.
    — Ne serait-ce pas, repris-je,
que Regiomontanus est tout ensemble un mathématicien et un poète ? Tant
est que la conjonction qu’il prévoit est un calcul, et son funeste effet sur
nous, un rêve. Et un rêve, mon bon ami, très bien accordé à l’état sinistre du
royaume, et à votre sombre humeur.
    — Je ne sais, dit l’Étoile,
lequel me parut ébranlé, mais non persuadé par mes raisons, tant il est plus
facile de croire une chose que de la décroire, une fois crue. Voulez-vous ouïr
de moi la prédiction de Regiomontanus, élégamment couchée en alexandrins ?
    — Quoi ? dis-je en
souriant, un mathématicien qui compose des vers ? N’avais-je pas
raison ? N’est-ce pas là un poète ?
    — Oyez-moi bien, dit l’Étoile
avec un soupçon d’impatience en croisant les bras sur sa poitrine, et à m’ouïr,
vous n’allez pas faillir à trembler, tant la prédiction est précise !
     
    Mille ans passés après que la
Vierge enfanta,
    Quand cinq cents autres se seront
écoulés,
    L’année quatre-vingt-huit en
prodiges féconde,
    Dans son déroulement malheur
apportera.
    Si ce n’est pas alors que vient
la fin du monde…
     
    — Ha ! vous me
rassurez ! dis-je en riant.
    — Permettez que je poursuive,
dit l’Étoile, quelque peu piqué d’être interrompu en cette prophétie qui me
devait laisser, selon lui, comme feuille trémulant.
     
    Si ce n’est pas alors que vient
la fin du monde,
    Tout se renversera : des
empires puissants
    Crouleront, et partout le deuil
sera grand.
     
    — Alors, criai-je en me levant
à mon tour (et l’allant rejoindre le dos au feu, je passai mon bras par-dessus
son épaule et le serrai à moi). Alors, mon cher l’Étoile, la France est
sauve !
    — Sauve ! dit-il. Où
prenez-vous cela ?
    — Pour ce qu’elle n’est pas un
empire puissant, n’ayant pas de possessions au-delà des mers, sauf, en Italie,
le marquisat de Saluces. Non, non, mon cher l’Étoile, l’empire puissant qui va
crouler ne peut désigner que l’Espagne. Et si la prédiction là-dessus
miraculeusement s’accomplit, croyez-moi, au rebours de ce que dit Regiomontanus, le deuil ne sera pas grand partout : ni en Angleterre, ni en Hollande,
ni chez les Princes luthériens d’Allemagne, ni en Suisse huguenote, ni chez
Navarre, ni même à la Cour du Roi de France…
    — Ha ! Vous
interprétez ! dit-il, ne se voulant à aucun prix rassurer, pour ce qu’il
trouvait une sorte d’aise en son mésaise.
    — J’interprète, en effet, mais
que fait d’autre Regiomontanus à partir d’une éclipse et d’une conjonction des
astres ?
    — Chevalier, dit l’Étoile en me
rendant mon serrement d’épaule, encore que je vous tienne en particulière
affection, et que votre joyeuse et bondissante humeur m’ébaudisse chaque fois
que je vous vois, vos raisons ne sauraient me conforter, tant les signes de nos
proches désolations s’avèrent manifestes. Ainsi du dimanche qui précéda votre
advenue en nos murs. Ce jour-là s’éleva sur cette ville de Paris et dans les
alentours un tel, si grand et poisseux brouillard qu’il ne s’en est vu pareil
de mémoire d’homme : car il était tant noir et épais que deux personnes
cheminant ensemble par les rues ne se pouvaient voir, et se trouvaient
contraintes à se pourvoir de torches pour se conduire, encore qu’il ne fût pas
trois heures de l’après-midi. Et furent trouvés le lendemain dans les cours et
les rues, quantité d’oies sauvages, corneilles et corbeaux, lesquels en leur
vol, en vertu de la

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