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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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passer la bride à sa fugitive
cavale pour la ramener en ses écuries.
    À quoi elle frémit de prime, comme
soulevée d’un neuf espoir, puis sourcilla, et prononça un « non » des
plus roides, puis s’en excusant à moi tout de gob, elle mollit à proportion de
la raideur qu’elle avait montrée et me dit, avalant sa salive, la larme au bord
du cil, qu’elle aimait, certes, Zara et la constance de Zara à son endroit
toutes ces années passées, mais que Zara l’étouffait sous le poids de son
amour, qu’elle demeurait étonnée de ne pouvoir vivre sans elle, ni continuement
avec elle, et qu’enfin, il y faudrait de la réflexion et qu’elle allait y
rêver.
    Je la laissai à ses rêveries, assez
béant qu’elle voulût tenir pour rien ce qui s’était passé avec Silvio, mais
bien assuré que le plateau de la balance ne faillant pas à tomber du côté le
plus lourd, Zara retournerait avant Noël à l’apothicairerie, allégeant d’autant
le fardeau dont Angelina se trouvait accablée. Et jugeant dès lors que l’ordre
et la sérénité n’allaient pas tarder à revenir en mon domestique, je me trouvai
l’esprit plus dégagé de mes particuliers soucis, et d’autant plus appliqué aux
affaires de mon maître, lesquelles, à peine avais-je mis le pied en cette
bouillonnante Paris, je trouvai quasi plus désespérées que mon Quéribus avait
dit.
    J’y advins à la nuit et dépêchant
dès le lendemain mon Miroul muser autour du Châtelet afin de tâcher d’aborder
Mosca à la furtive, et de lui dire de me visiter à la nuit, j’allai moi-même
dès le matin tâter le pouls de la grondante et rebelle cité auprès du bon
Pierre de l’Étoile, lequel paraissait avoir plus d’oreilles, et plus fines, à
traîner au Parlement, à l’Université et à la Cour qu’aucun fils de bonne mère
en France.
    Encore que toujours à mon endroit
très affectionné, je le trouvai en son beau logis dans la plus noire morosité,
et plus tremblant que lièvre en son gîte, appréhendant pour l’année 1588 où
nous allions entrer, la fin de soi, la fin du royaume et la fin du monde.
    — Mon cher Chevalier, dit-il
d’emblée en me donnant une forte brassée, tout se déchire et se défait :
ce globe, cette France et moi-même.
    — Vous, mon bon ami !
dis-je en riant, mais pour un mourant, vous me paraissez sain et gaillard, le
teint fleuri, la barbe drue, la lèvre vermillonne…
    — Je le suis quant à ma
corporelle enveloppe, dit-il, faisant sa lippe et poussant un soupir. Mais non
quant à l’âme, laquelle est tant travaillée de mes péchés que je redoute de
mourir à la mort et crains de vivre à la vie (Phrase que j’oyais de sa
bouche au moins une fois l’an depuis seize ans).
    — Vos péchés ? dis-je en
riant, n’en exagérez-vous pas et le poids et le nombre, tenu que vous êtes,
universellement, pour grand homme de bien, sauf assurément par ces faquins de
ligueux, ce qui est un hommage de plus.
    — Ha, mon ami ! dit-il
s’asseyant sur un fauteuil et me désignant l’autre, lesquels étaient tournés
vers une cheminée où vous auriez fait cuire un veau, et où d’énormissimes
bûches brûlaient – ce qui me conforta prou (la brise des rues étant fort
aigre) et plus encore que cette salle où nous étions fût si claire, illuminée
qu’elle était par une suite continue de fenêtres garnies de grandes et belles
vitres transparentes et non de ces affreux petits carreaux brouillés qui ont
rendu longtemps nos logis si obscurs.
    — Mon ami, reprit-il, point ne
mérite le renom qui ici m’est baillé, du moins quant à la vertu qu’on attend
d’un barbon marié qui, comme moi, a passé quarante ans, et pourtant coquelique
sans vergogne avec une drolette, laquelle se gausse de moi, saigne ma bourse et
me trompe avec le premier galapian venu.
    — Mon cher l’Étoile, dis-je, ne
vous bridez pas tant, vous sentirez moins le mors. Et ôtez les éperons à votre
conscience. Elle ne vous piquera point si pointu.
    — À Dieu veuille que je le
puisse ! Mais, vous, mon cher Siorac, ne redoutez-vous pas
l’Au-Delà ?
    — Pas au point, dis-je en
riant, de me gâter mon En Deçà !
    — Ni la fin du monde ?
    — Est-elle si proche ?
dis-je, toujours riant.
    — Proche ! s’écria Pierre
de l’Étoile en se levant, et présentant le dos au feu pour se chauffer les
arrières. Proche ! Nous la touchons quasi du doigt, puisqu’elle nous doit
advenir en l’an

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