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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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soudaine obscurité, s’étaient toqués aux cheminées et
tourelles des maisons.
    — Mon cher l’Étoile, dis-je, un
brouillard est un brouillard, et c’est tout. Et qu’est-ce qu’un momentané
brouillard au regard des brouilleries des Guise ?
    — Ha celles-là ! et celles
de nos ligueux passent l’imagination ! dit l’Étoile, la lippe amère.
Avez-vous ouï parler en vos provinces de «  l’heureuse journée
Saint-Séverin  », pour s’exprimer dans la langue de la Ligue, laquelle
journée fut, en effet, fort calamiteuse pour le Roi, pour ce qu’il tâchait de
faire arrêter les trois prêchereaux les plus insolents de Paris et y faillit,
le peuple sonnant le tocsin, prenant les armes, se fortifiant dans une maison
du quartier Saint-Séverin et repoussant non seulement les sergents et les
commissaires, mais les gardes du Roi.
    — Quoi ? dis-je, un combat
de rues ? Ici même ? En Paris ? Pour deux ou trois tonsurés
curés ? Et le Roi n’arrivant pas à bout de l’émotion populaire ?
    — Ha mon ami ! Mon
ami ! s’écria l’Étoile, en levant les mains en l’air, il y a pis !
Avez-vous jamais en la Cour encontré et connu la Montpensier ?
    — D’assez près, dis-je sans
battre un cil.
    — Ha Chevalier, un démon !
Un démon femelle ! Un succube ! Une diablesse ! Une furie
d’enfer ! Le feu partout, cul compris !
    — Qui ne le sait ? dis-je,
et qui ignore que ses billets inspirent les invectifs sermons des prêchereaux
contre le Roi ?
    — Eh bien, Chevalier, notre dit
Roi, seigneur et souverain la fait citer en sa présence, la tance, la
gourmande, lui dit qu’il sait tout de son déportement et au-delà, qu’elle
fabrique et façonne des nouvelles contre lui, qu’elle les divulgue par les
curés à ses gages, qu’elle fait la Reine à Paris, qu’elle lui soulève sa bonne
ville, qu’il n’a été que trop patient, mais que sa patience est à bout et qu’il
lui commande, vous oyez bien, qu’il lui commande de vider les lieux. À quoi ne
répondant ni mot ni miette, et pas même l’ombre d’une excusation, elle lui fait
une courte révérence, et s’en va, superbe et boitillante, et se précipitant, se
pend au col de sa cousine lorraine la Reine, de la Reine-mère qui ne jure plus
que par son lorrain petit-fils, du chancelier de Villequier et des ministres,
lesquels sont lorrainisés jusqu’aux rognons, et tous alors, Reine !
Reine-mère ! chancelier ! et ministres ! se cramponnent à la
peau de Sa Majesté comme tiques dans le cuir d’un chien, lui remontrant qu’il
ne peut exiler la Boiteuse sans provoquer une émotion populaire et offenser
mortellement le Guise.
    — Que fait le Roi ?
    — Il cède et elle
demeure ! Ha mon ami, le Roi est si mol et timide devenu !
    — Mol ? Timide ?
dis-je avec indignation. Mol, le vainqueur de Jarnac et de Moncontour ?
    — Je vous concède, dit l’Étoile
avec un soupir, qu’il fut un Prince courageux, mais pour l’heure il est
semblable au cheval de bataille dont la guerrière audace s’est perdue sur une
longue litière.
    — Je n’en crois rien, dis-je.
Le Roi contrefeint le mol et le fol. Il ne l’est pas. Il frappera à son heure.
    — Je le décrois, dit l’Étoile,
la face froncée et la lippe amère. Le Roi est trop énervé par ses plaisirs.
Savez-vous qu’à la demande des dames, il a prolongé d’une semaine la foire de
Saint-Germain, et qu’il y va tous les jours, et souffre que ses mignons y
fassent d’infinies insolences aux garces, qui femmes qui filles, qu’on y
encontre. Et comme si ces vilenies ne lui suffisaient pas, fait assembler par
tous les quartiers de la ville, en des maisons où il a ses aises, les plus
belles demoiselles de Paris – les plus belles et les moins honnêtes –
avec qui il fait ballets, mascarades, collations, et pis peut-être,
divertissements qu’il appelle ses «  menus plaisirs » , et
auxquels il se livre à la fureur comme si le royaume jouissait de la plus
profonde paix du monde, et comme s’il n’y avait ni prêchereaux, ni ligueux, ni
guisards, ni Guise.
    — Mon cher l’Étoile, dis-je en
riant, vous aimez trop la morale pour vous aimer vous-même ! Et je ne vois
pas au juste ce que vous reprochez au Roi. De courir le mignon ou de courir la
garce ?
    — Les deux ! dit l’Étoile
d’un air sombre.
    Là-dessus, après une forte brassée,
je le quittai, ébaudi assez de le voir si roide en ses propos, lui qui

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