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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tumultuants, et fort décidés à protéger, qui son bien, qui sa
femme, de l’appétit des soudards.
    Quant au logis du nonce, pour
déposer l’or d’Alizon, il fallut prendre la file et attendre deux grosses
heures, tant il y avait presse de marchands et bourgeois à vouloir faire de
même. Mais à dire le vrai, tout papiste qu’il fût et cardinal, le nonce
lui-même me plut assez, ayant bonne et honnête face, l’œil franc et gaussant,
disant que c’était pitié que ce fût là dépôt et non offrande, pour ce qu’avec
tout cet or, on eût pu défaire le Turc et asseoir la chrétienté en les Lieux
saints.
    Revenant au logis vers le midi, nous
fûmes fort ébahis de nous voir couper le chemin par des barricades qui avaient
poussé çà et là en deux heures de temps comme des champignons faits de
futailles, comme avait dit Mosca, remplies de pavés, ceux-ci étant mis en amas
dans les intervalles entre elles, une ouverture tout juste grande assez se
trouvant ménagée pour qu’un cheval ou un piéton pût passer, laquelle aperture
était fermée et remparée après son passage par un charreton comme le nôtre qui,
à la différence des barriques, se pouvait mouvoir, étant sur roues.
    On passa sans coup férir deux de ces
barricades. Mais à la troisième qui, comme les premières, était hérissée
d’arquebuses, de hallebardes et de piques, toutefois selon un ordre plus
militaire, un grand, gros et gras guillaume qui paonnait et bravait prou nous
dit avec hautesse se nommer le sergent Fessard (nom ou surnom bien mérité par
ses abondants arrières) et nous informa qu’il nous fallait quérir une marque du
sieur La Chapelle-Marteau, faute de quoi, non seulement nous serions interdits
de passage, mais tenus pour suspects et « politiques », notre
charreton nous étant alors confisqué par la Ligue, afin que d’être mis à usance
comme porte à une barricade.
    Le chemin rebroussé, on s’enquit
donc de ce Chapelle-Marteau que je connaissais par les rapports de Mosca, pour
un des plus encharnés et influents ligueux, étant par ailleurs, de son état,
conseiller en la cour des Comptes. Un gautier nous ayant dit qu’il tenait ses
assises dans une taverne qu’il avait fait rouvrir de son autorité, toute
boutique et échoppe ayant été close dès l’entrée des Suisses par les marchands
(de peur, et des soldats, et du tumulte populaire) nous le fûmes trouver. Et
quant à moi j’apazimais mon Alizon, laquelle crachait comme chatte en fureur de
ne pouvoir regagner ses logis et ateliers, lesquels, en sa hâte, elle avait
laissés sans les remparer, et défendus seulement par les faibles bras de
Florine, d’une enjoliveuse, d’une bonnetière et d’un petit
« vas-y-dire ».
    J’y réussis assez pour qu’elle
s’adressât avec toutes les formes de la civilité à La Chapelle-Marteau, grand
escogriffe jaune comme coing, le nez tordu et le regard lui aussi jaunâtre, qui
faisait immensément l’important et le conséquent, se voyant jà quasi ministre
du Roi futur, et qui, après nous avoir envisagés Alizon et moi de fort haut, et
noté sur mon pourpoint la médaille de la Vierge, et le chapelet autour de mon
poignet, s’adoucit, et voulut bien nous dire, n’entrouvrant pas plus ses lèvres
que la fente d’un tronc pour les pauvres, qu’il consentait à nous donner cette
marque, mais qu’il y faudrait deux écus pour le trésor de guerre de la Ligue. À
quoi voyant mon Alizon prête à sortir les griffes, je lui serrai le poignet en
catimini et dis dévotement à La Chapelle-Marteau que j’acquiesçais à cette
offrande, n’étant que trop heureux qu’elle servît à la plus grande gloire et
défense de l’Église catholique, laquelle était quasiment tombée en la terre par
la faute des huguenots, des politiques et du Roi. Ce langage plut à La
Chapelle-Marteau, puisque c’était celui dont il se gargarisait quotidiennement,
mais ayant, en sa jaune et fielleuse complexion, encore plus de griperie que de
zèle, il observa, tandis que je mettais la main à mon escarcelle, que si les
deux guillaumes (désignant Miroul et Baragran) qui nous suivaient étaient de
nos serviteurs, il y faudrait un écu de plus. À quoi l’œil de ma petite mouche
d’enfer jeta des flammes, mais je lui fis un petit marchement de pied qui lui
gela le bec, du moins assez longtemps pour que La Chapelle-Marteau, (lequel,
n’eût pas manqué de dire mon bien-aimé maître, nous avait bien martelés pour

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