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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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céans, en le quartier de l’Université, la sédition appelait à
grands cris le combat, le sang et le régicide. Il n’était partout question que
de rassembler les soldats guisards cachés par les moines en les innumérables
cloîtres, collèges et couvents de ce quartier, et avec eux dévalant la rue
Saint-Jacques, franchir le petit pont, le pont Saint-Michel, traverser la Cité
(s’emparant au passage du Palais) et par le pont Notre-Dame ou le pont aux
Changes, se ruer en la ville, pour y assaillir les gardes du Roi et «  aller
prendre ce bougre de Roi dans son Louvre  ». Ce qu’on ferait de lui,
une fois pris, je craindrais de salir ma plume en répétant ici les propos que
j’ai ouïs de la bouche des clercs.
    Je ne pus manquer d’apercevoir, les
deux jours que je fus à arpenter Paris avec mon éveillé Miroul (qui connaissait
la capitale mieux que personne) que si le Duc de Guise affectait de paraître
étranger à ce qui s’y passait, voyant le Roi deux fois par jour et tâchant de
le bercer de discours tout ensemble conciliants et fuyants, ses lieutenants,
nommément le capitaine de Saint-Paul et le Comte de Brissac, s’encontraient
fort actifs – ce dernier surtout en le quartier de l’Université – à
organiser le soulèvement du peuple.
    Le Comte de Brissac était un homme
roux aux yeux verts, grand et bien membré, qui eût été beau assez sans une
légère loucherie de l’œil et une sorte de tirement de ses lèvres rouges vers le
côté de la joue senestre, lesquels, étant conjoints, lui donnaient, à y
regarder deux fois, l’air faux et méchant. Ayant choisi le métier des armes, il
s’y était peu illustré, tant dans les combats terrestres que dans notre
infortuné combat naval des Açores, ce qui avait fait dire au Roi (lequel ne put
jamais résister à un « mot ») que «  Brissac n’était bon ni
sur terre ni sur mer  ». Ce mot à lui-même répété avait inspiré au
Comte pour son souverain une haine homicide qui l’avait fait guisard, et fort
encharné à lui quitter le trône, s’il le pouvait, ne ménageant peine ni labour
en ces deux journées à préparer l’insurrection de la rue, et répétant, la
bouche plus tordue que mie, que « s’il n’était bon ni sur terre ni sur
mer, il montrerait à Sa Majesté qu’il était bon du moins sur le pavé, et qu’il
avait trouvé là, enfin, son élément ».
    Je vis ces deux jours Mosca, lequel,
étant fort bien placé en le nœud même des ligueuses vipères, me confirma
l’imminence du tumulte qui se préparait, l’apparition « quasi
miraculeuse » du Duc (comme disaient les prêchereaux) et sa quasi divine
présence en nos murs (tant de chapelets ayant été sanctifiés par frottement sur
son mantelet) ayant raffermi de neuf les résolutions amollies et fait flamber
les passions jusqu’au ciel.
    Je vis le Roi le 10 et le 11 au soir
et lui répétai les observations de Mosca et les miennes, lesquelles il ouït
fort attentivement, me disant que tous les rapports concluaient aux mêmes
sinistres prévisions d’une grande émotion populaire à la suscitation des
ligueux et guisards, et que le souciait surtout le grand nombre de soldats
cachés en le quartier de l’Université, lesquels à l’occasion fourniraient à
l’émeute son fer de lance.
    En la dernière de ces deux visites,
j’entendis par quelques mots que Sa Majesté échangea avec Du Halde, qu’elle
avait failli à décider le Guise à vaquer Paris, et qu’elle voyait bien que le
Lorrain mettait souterrainement la main à la révolte, tout en l’amusant en
parfait chattemite par de vaines négociations, et qu’enfin, il fallait mettre
bon ordre à ces remuements et faire entrer en Paris les Suisses stationnés en le
faubourg Saint-Honoré, afin que les ligueux fussent ramenés dans le devoir et
se peut le Duc lui-même, dont on pouvait espérer que la vue de tant de troupes
en nos murs l’amènerait à se retirer à Soissons.
    Le même soir du 11 mai, my Lady
Markby me vint voir, et retirée en ma chambre avec moi, me baisotta à la
fureur, ce qui de prime me conforta en la lassitude où j’étais, et me
déconforta excessivement ensuite, pour ce qu’Alizon, my Lady Markby départie,
me querella et du bec et des ongles, ayant surpris ces poutounes.
    My Lady Markby, qui savait
déjà – tant les mouches du « maure » étaient bonnes – la
résolution du Roi quant à l’entrée des Suisses et des gardes françaises

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