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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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troubles.
    — Je le voudrais, mais ne le
peux ! cria un capitaine du nom de Marivaux.
    — Marivaux, cria un ligueux de
ses amis qui l’avait reconnu, où iriez-vous ?
    — Au Louvre ! Avec mes
Suisses !
    — Mais c’est que nous le
voulons aussi ! dit un ligueux. C’est en Paris que nous ne vous voulons
pas.
    Cette parole fut si bien, deçà et
delà de la barricade, accueillie que les deux partis, à la parfin, dépêchèrent
des parlementaires, lesquels, à ce que j’ouïs, prirent langue et décidèrent que
les Suisses se retireraient par la rue Neuve et le pont Notre-Dame, et le pont
franchi, longeraient le quai de Seine jusqu’au Louvre.
    Là-dessus, la raison paraissant à la
fin triompher, les Suisses s’ébranlèrent, M. de Marivaux marchant en tête avec
un parlementaire ligueux pour lui faire ouvrir les barricades, et quant à moi,
curieux de voir comment cette étrange retraite s’opérerait en Paris insurgée,
je les suivis comme, de reste, les barricadeux auxquels je m’étais mêlé et qui
quasiment déliraient de l’inouïe allégresse que leur donnait leur victoire sur
les troupes du Roi, oublieux qu’ils la devaient à la bénignité du souverain qui
avait ordonné qu’en aucun cas, elles ne devaient tirer sur eux.
    Cependant, à peine la première
colonne fut-elle engagée dans la rue Neuve que les manants et habitants de
ladite rue qui se tenaient à leurs fenêtres, soit avec des pistoles, pistolets
et arquebuses, soit avec des amas de pierres devant eux, leur crièrent
d’éteindre les mèches de leurs armes, craignant qu’un coup partît par
inadvertance qui navrât quelqu’un ou quelqu’une aux étages. Et ce cri étant
repris par tous les aregardants, qui en comprenaient l’urgence, il y eut
bientôt dans la rue Neuve, un tohu-vabohu de vociférations qui laissa les
pauvres Suisses d’autant plus pantois qu’ils les prenaient pour des cris de
haine n’entendant pas ce que ces mots : Éteignez vos mèches ! voulaient dire ou, pour ceux qui l’entendaient, n’y pouvant obéir sans un
commandement de leurs officiers, lesquels, marchant assez loin en tête de la
colonne, oyaient les hurlements de la foule, mais sans en discerner le sens.
Lecteur, ajoute à cela qu’il faisait ce 12 mai une chaleur quasi
insufférable, que les Suisses n’avaient ni bu, ni mangé depuis la pique du jour
et que fort vaillants à se battre en plat pays contre des ennemis déclarés, ils
étaient fort déconfortés d’avoir à le faire contre ceux-là dont le souverain
les employait, et contre qui ils avaient, pour le comble, l’ordre de ne pas
tirer, mais sans qu’on leur eût pour autant commandé d’éteindre leurs mèches.
    Comme on eût presque pu le prédire,
de cette troupe affamée, assoiffée, énervée, un coup de feu partit pour la male
heure et tua un bourgeois à une fenêtre. Tout aussitôt on cria vengeance, et
desdites fenêtres, tous les bâtons à feu crachèrent à la fois sur les pauvres
Suisses et, pis encore, une grêle de pierres, de grès et de carreaux s’abattit
sur eux, les hachant et assommant, étant fusillés et accablés de devant et de
derrière, de dextre et de senestre, ceux qui tâchaient de se mettre à couvert
sous l’encorbellement d’une maison étant pris à partie par les tireurs de
l’autre côté de la rue, et inversement. Les plus sensés jetèrent leurs armes,
s’agenouillèrent sur le pavé, et tirant et brandissant leurs chapelets,
criaient lamentablement (pour ce qu’ils cuidaient peut-être qu’on les prenait
pour des Suisses huguenots) «  Bons Suisses !… Bons
catholiques !…»
    Ces naïfs cris, ces plaintes, ces
chapelets brandis, les gémissements des navrés, ces cadavres épars et tout le
sang sur le pavé répandu, toucha à la parfin le peuple de quelque compassion,
et comme les Suisses refluaient vers le Marché Neuf, on les laissa retraiter
sans les molester davantage et se parquer dans une boucherie. D’après ce que
j’ouïs dire à ce moment, les Suisses du cimetière des Saints-Innocents et ceux
de la place de Grève étaient à peine mieux lotis, encerclés qu’ils étaient par
les barricades, les uns sans pain et les autres sans poudres.
    Il y eut alors comme une sorte de
flottement, et dans le peuple des insurgés et chez les ligueux, pour ce que
n’ayant pas de haine contre les Suisses, lesquels n’avaient pas tiré, hors par
accident, et ne se trouvant être que les instruments à gages du Roi,

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