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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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m’habiller, aide-moi ! Prends ta bonne épée, je te prie, tes
pistolets, ta dague et, avec Miroul et Baragran armés aussi, escorte-moi chez
le nonce !
    — Chez le nonce ? dis-je,
béant. Chez le nonce du pape ! Et à quelle fin ?
    — Pour y mettre en dépôt mon
or. D’aucuns des maîtres artisans de ma rue l’ont fait hier et avant-hier en
prévision du populaire tumulte, et si serais-je bien avisée de les imiter de
présent, pour peu que tu me veuilles donner la main.
    — Ha bah ! dis-je en
irrision, à mon sentiment, c’est tomber de mal en pis. Qui est le nonce pour
qu’il renonce à l’or, une fois qu’il l’aura pris ? Le rendra-t-il,
l’émotion finie ? Moi qui suis, à ton dire, ma mouche, mal décrassé de mon
Périgord, je vais te dire, à ce propos, un proverbe en oc.
    — En oc ? cria-t-elle,
fort chagrin et colère. Je ne veux l’ouïr ! Foin de ce jargon-là ! Je
n’entends goutte à cette parladure !
    — Si vais-je le traduire :
« Moines et poux ne sont mie rassasiés. Tout leur est bon, même le
croûton ».
    — Ha huguenot !
cria-t-elle, des pleurs de rage lui jaillissant des yeux, tu daubes sur nos
bons curés, hérétique ! Au lieu que de m’aider, méchant !
    — Folle louve, lui dis-je en la
happant par un bras, alors qu’elle marchait qui-cy qui-là dans la pièce comme
lunatique déchaînée. Et en mes bras la serrant captive, je repris :
    — Que veut dire ceci ?
Huguenot ? Hérétique ? Méchant ? Est-ce ton Pierre en la chair
de qui tu mets ces crocs aigus ? Ne peux-je différer de toi en mon
opinion ? Suis-je hérétique pour ne pas dire amen à tes
déterminations ? Que si tu veux à force forcée porter ton or au nonce,
porte-le, gentille folle ! J’y serai aidant et connivent, tout maugré que
j’y sois.
    À quoi ouïr, elle s’amollit et
fondit en mes bras, et de louve devenue chatte, me ronronna mille mercis à mon
oreille, me donnant le bel œil, me poutounant et mon cheveu caressant à la
nuque et autres agaçantes mignonneries dont elle avait depiéça reconnu sur moi
l’effet, et m’ayant ainsi enveloppé de ses toiles eût voulu départir sur
l’instant si, ouvrant la verrière, je ne l’avais avisée d’attendre, au moins,
que fussent passés les Suisses, lesquels, à la cadence sinistre assez de leurs
tambours, menaçants hululements de leurs aigres fifres, et martèlements de leurs
souliers, avançaient implacablement par quatre dans la rue de la Ferronnerie,
se rendant, à ce que j’augurai, dans l’enclos du cimetière des
Saints-Innocents, le braquemart leur battant le côté et à l’épaule portant
leurs arquebuses qui, à ce que je vis non sans quelque mésaise, avaient leur
mèche allumée, ce qui voulait dire qu’elles étaient chargées et prêtes à tirer,
détail qui n’échappa pas à Alizon, laquelle, crispant ses petits poings,
s’écria entre ses dents serrées :
    — Ha les maudits ! Ils
nous veulent mettre du plomb en poitrail et faire une Saint-Barthélemy des
catholiques ! Si j’avais céans gré, pierre ou pavé, je leur jetterais sus.
    Phrase qui, dans le silence de la
rue, fifres et tambours étant passés, et les manants et habitants pâles, figés et
accoisés aux fenêtres, fut entendue d’un des officiers des Suisses, lequel
levant la tête, cria en moquerie aux aregardants :
    — Bourgeois, mettez des draps
frais à vos lits ! Nous y coucherons ce soir avec vos femmes !
    Parole sale et fâcheuse qui fit le
tour de Paris et fut accueillie partout par des grondements de colère, lesquels
j’ouïs encore sur les lèvres d’un chacun, quand la troupe s’étant écoulée pour
s’enfermer dans le clos du cimetière, et la rue à nous de nouveau, nous
saillîmes tous quatre hors l’huis, Baragran poussant sur un charreton un coffre
cadenassé et Miroul et moi le suivant, armés jusqu’aux dents, ce qui n’étonna
personne, pour ce qu’il n’y avait à cette heure fils de bonne mère en la rue
qui ne surgît alors, qui avec un pistolet, qui avec une arquebuse, ou pique, ou
même broche, ou coutelas de boucher, l’œil fort enflammé, la parole séditieuse
et le branle menaçant.
    Le nonce logeait en le quartier
Saint-Antoine et de rues en rues, nous vîmes sur notre passage la même foule
armée saillir des échoppes et maisons, la mine farouche et résolue, hors
d’elle-même de rage que le Roi eût osé violer le privilège de Paris, tous
vociférants et

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