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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa
chapelle), m’écrivît une marque, y inscrivant à ma prière le nom de Baragran
Etienne, maître-bonnetier en Boulogne.
    Je ne fus pas marri quant à moi de
laisser là ce chiche sire qui me ramentut au vif (hélas dans le parti qui était
alors le mien) le capitaine Bouillargues, lequel, lors de la Michelade de
Nismes, tenait boutique et marchandise de laissez-passer pour les pauvres
catholiques qui avaient pécunes assez pour pouvoir échapper aux exécutions.
    Ma petite mouche se trouvait trop
furieuse même pour bourdonner (plaignant mes écus, comme s’ils étaient les
siens), Baragran silencieux pour ce qu’il n’avait rien à dire, et moi-même fort
soucieux de ce que je voyais : les verrières des logis remparées de gens
et d’arquebuses ou, devant eux, sur le rebord desdites fenêtres, des amas de
pierres, tant est qu’il me semblait que les soldats à qui les barricades,
hérissées de bâtons à feu, barraient passage, seraient pris, au surplus, sous
le feu plongeant des maisons. Mon Miroul fut le seul de nous, de tout le
trajet, d’une barricade à l’autre, à ouvrir le bec pour observer, en gaussant,
que ce n’était pas merveille que La Chapelle-Marteau fût conseiller à la cour
des Comptes : il faisait si bien les siens.
    À peine au logis rentré, j’en voulus
saillir hors pour m’informer, mais mon Alizon ne l’entendit pas de cette
oreille-là, me voulant d’abord désaffamer, et elle avec moi, étant, quoique
mince comme anguille, tant grande mangeuse à table que frétillante au lit,
raison pour quoi, se peut, la coite épuisant le couvert, elle ne s’alourdissait
pas de lard.
    La repue finie, l’enjoliveuse, la
bonneteuse et le « vas-y-dire » renvoyés, le logis verrouillé et
barré de l’huis aux contrevents, elle commit Baragran et Miroul à ramasser des
pierres au jardin et la cour, et en faire, comme tout un chacun, des amas aux
fenêtres, afin que de lapider les Suisses qui, de la rue, tenteraient
d’enfoncer notre porte. Quoi fait, sa maison et son atelier mués en forteresse,
comme toutes celles de la rue, et se trouvant désoccupée du fait qu’elle avait
mis hors ses ouvrières, elle eût désiré que je la confortasse plus avant en ses
angoisses, étant accoutumée à recourir, pour se désoucier, à un remède qui ne
lui faillait jamais. Je n’y voulus toutefois consentir, sachant bien qu’une
fois captif de ses bras, je n’en aurais su sortir qu’à la nuitée, et trop las
pour faire autre chose alors que de m’ensommeiller et manger derechef. Je
m’arrachai donc à ses tendres filets, bien marri de la voir sanglotante en le
pensement des périls que j’allais encourir, et d’autant pressé, quant à moi, de
m’ensauver, que chez Alizon, les pleurs et les fureurs allaient de compagnie,
les premiers annonçant les secondes, et inversement.
    Je tirai d’abord avec mon Miroul du
côté du proche cimetière des Saints-Innocents, passant les barricades sans coup
férir, grâce à la marque de La Chapelle-Marteau, les barricadeux me prenant
pour quelque envoyé de la Ligue, et d’autant que j’étais fort bien armé. Et là,
je trouvai que le clos du cimetière était à ce point enfermé par le remparement
des rues que les Suisses n’en auraient pu saillir sans livrer une sorte de
combat auquel ils n’étaient point accoutumés, exposés qu’ils eussent été de
tous côtés aux coups et pris dans la nasse entre les barricades, les fenêtres
et les toits des maisons ; en outre, à ce que je crus entendre, fort
décontenancés de la consigne qu’ils avaient reçue qui était de ne pas tirer sur
le peuple, lequel, tout ragaillardi après ses terreurs initiales par la
passivité des gardes, ceux-ci ne leur faisant pas plus d’offense que des
statues de pierre, commença à les dépriser et osant arrêter le convoi de vivres
que le Louvre leur dépêchait, mangea le pain et but le vin à la barbe des
soldats, lesquels étaient fort déconfortés par la chaleur, la faim, la soif,
l’immobilité, au beau mitan de cette ville en armes dont les milliers de voix
(car il se faisait en ces rues d’infernales et continues vociférations) leur annonçaient
à gorge déployée avec d’affreux jurons leur prochaine extermination.
    Et à vrai dire, c’est ce que je
commençais à redouter, tant je vis de bourgeois, lesquels je connaissais pour
n’être pas ligueux, très encharnés à défendre le privilège de Paris et en
bouter hors les troupes que

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