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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le Roi y avait osé mettre. Il sembla qu’à cet
affront, la révolte des Parisiens, de ligueuse qu’elle était de prime, devînt
universelle. J’ai vu de ces yeux que voilà, en cette journée du jeudi
12 mai, tout un peuple courir aux armes, l’artisan quitter ses outils, le
marchand ses trafics, l’écolier ses livres, le procureur son sac, l’avocat sa
cornette et les graves conseillers eux-mêmes, ôter leur robe pour se mettre en
pourpoint et prendre piques, tant grande et véhémente bouillonnait leur
indignation à l’offense insufférable qui était faite à leur ville.
    Des Saints-Innocents, je poussai
jusqu’à la place de Grève où j’avais ouï que d’autres Suisses et gardes
françaises étaient stationnés et les vis de tous les côtés serrés par les
barricades dont les rues circonvoisines s’étaient hérissées, et en pire
prédicament se peut que leurs compères, pour ce que les manants et habitants du
quartier Saint-Antoine qui les encerclaient, arrêtant un convoi de poudres que
le Louvre leur dépêchait, les avaient départies aux arquebusiers populaires, si
bien que ceux-là s’étaient garnis d’autant de coups que les malheureux gardes
s’encontraient démunis, si on en venait à tirer.
    Mais de tous les spectacles, le plus
désolant, du moins pour un fidèle serviteur du Roi, car je ne doute pas qu’il
fût bien au rebours fort exhilarant pour un ligueux, m’attendait en l’île de la
Cité, que je gagnai par le pont Notre-Dame, et où les Suisses, d’après ce que
j’ouïs, avaient été si fort pressés par le peuple qu’ils s’étaient rencognés au
fond du Marché Neuf, les compagnies qu’ils avaient avancées sur le petit pont
et le pont Saint-Michel s’étant repliées sous la grêle de pierres des clercs et
des écoliers de l’Université menés par le Comte de Brissac. Le maître de camp
Crillon qui commandait ces compagnies, le même qui le 9 mai avait enfoncé
son chapeau sur sa tête plutôt que de saluer le Guise, ayant dû se reculer, à
demi crevé de rage pour ce qu’il avait l’ordre du Roi de ne pas tirer.
    L’étrange de la chose, c’est que les
barricadeux et les soldats, tant suisses que français, étaient à portée d’œil
et de voix les uns des autres. Tant est que, comme on ne se tirait pas encore
dessus, s’échangeaient des chefs ligueux aux officiers royaux des propos
goguenards, bien à la parisienne. Que c’était pitié à y réfléchir plus avant
que de voir prêts à s’entretuer sur le sujet de la religion réformée des hommes
qui, dans les deux camps, appartenaient à la même religion papiste, tant il est
vrai que de cette journée du 12 mai se fit et se confirma en ce royaume
une subdivision des catholiques en royaux et guisards qui cruellement partagea
la capitale, la Cour, les grands corps de l’État, la province et en la nation
entière, toute ville, tout quartier, toute rue, toute famille et bien souvent,
la cervelle d’un chacun.
    C’est ainsi que je reconnus, parmi
les royaux, François d’O et parmi les ligueux, son frère, le marquis d’O ;
et encore parmi les officiers, le maître de camp Cossein et en-deçà de la
barricade, l’un de ses intimes amis, conseiller au Parlement, lequel, haussant
la voix et l’appelant par son nom, quit de lui en gaussant s’il se trouvait
bien là où il s’encontrait. Cossein qui n’était jamais en retard sur personne
d’une gausserie, répondit :
    — Point trop à l’aise, mais
c’est la faute au prévôt des marchands !
    — Comment cela ?
    — Il a promis au Roi le soutien
de trente mille manants et habitants de Paris. Et j’observe qu’il tient mal sa
promesse. Car j’en vois trente de présents pour le Roi et mille pour Monsieur de
Guise.
    Soit que la candeur ou l’adresse
inspirât cette plaisanterie, elle flatta immensément nos bons barricadeux et,
les ayant fait rire, elle les disposa mieux à l’égard des soldats, lesquels, à
tout prendre, n’avaient encore tué personne, si navrés que quelques-uns
l’eussent été par les pierres.
    — Que ne vous
retirez-vous ? hucha un chef ligueux qui, se peut, moins aveuglément zélé
que les autres, trouvait comme moi d’une énormissime absurdité que des
catholiques s’exterminassent sur le sujet de l’extermination des huguenots,
lesquels de reste, par comble d’irrision, n’étaient point là du tout, le peu
qui logeait encore en Paris ayant vaqué à l’approche des

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