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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Vaillant peuple ! Pays véritablement
sublime ! Et du Seigneur à jamais béni !
    Et là-dessus, quasiment dansant sur
place en ma frénétique allégresse, Miroul et Quéribus n’étant pas moins
transportés, je donnai à Quéribus une forte brassée, et une autre à Miroul, et
une autre encore à Quéribus, lequel, à ma considérable surprise, embrassa aussi
Miroul, tout roturier qu’il fût.
    — Havre de grâce ! dis-je
en me jetant sur un fauteuil, rompu que j’étais par mon exercitation et l’excès
de ma joie, quel poids immense nous est ôté de dessus le cœur par la male
fortune de la très vincible Armada  ! Que le Seigneur Dieu soit loué
à travers les siècles !
    — Amen ! dit Miroul.
    Et nous ayant entrevisagés, le pleur
soudain au travers du cil, tombant l’un et l’autre à genoux, nous adressâmes
incontinent au Très-Haut une fervente action de grâces.
    — Ha huguenots ! dit
Quéribus quand nous eûmes fini, n’est-ce pas une étrange chose que de prier
hors église, chapelle ou oratoire ?
    — Dieu est partout, dit Miroul.
    — Certes ! Certes !
dit Quéribus, employant cet adverbe en parodie, pour ce qu’il était réputé être
à grande usance parmi les nôtres.
    À quoi nous rîmes.
    — Mon frère, dis-je, quand nous
fûmes tous trois à la parfin apazimés, et revenus en bonace après cet ouragan
de liesse, contez-moi ce que vous savez de cette éclatante victoire qui coupe
pour l’instant les têtes de l’hydre Inquisition.
    — Pas toutes, hélas, dit
Quéribus, il nous en reste quelques-unes en France. Mais à la vérité, je sais
peu de chose sur la défaite de l’ Armada sinon que l’amiral Drake,
disposant de vaisseaux plus petits, plus légers et plus rapides que les lourds
galions espagnols, et aussi mieux garnis en canons, s’est jeté à un contre dix
sur cette énormissime flotte, et y a fait de grands ravages le premier jour, et
le second de plus grands encore, ayant profité de la marée pour envoyer sus des
brûlots. Dans la suite, ce que commença Drake, la tempête l’acheva, dispersant,
brisant et coulant ces monuments d’iniquité. Mais, Monsieur mon frère, le plus
ébaudissant de la chose, ce fut que Mendoza alla trouver le Roi.
    — Quoi ? dis-je,
Mendoza ? Mendoza à Chartres ? Je m’apensai que c’était le seul
ambassadeur étranger à être demeuré en Paris avec le Guise !
    — C’est la vérité vraie. Mais
ayant ouï (fausse rumeur) quel ’Armada avait vaincu, il galopa en
sa coche jusqu’à Chartres pour l’annoncer triomphalement au Roi. Mendoza, le
zélé, le retors, l’arrogant Mendoza, lequel, ambassadeur en France, le fut
d’abord en Angleterre, où il tissa tant de vils complots contre Elizabeth que
l’Angleterre le rejeta hors ses frontières comme un aposthume exsude son pus.
    — Forte image, Quéribus !
dis-je en riant. La direz-vous au Roi ?
    — Elle m’est venue de soi, dit
Quéribus, mais je poursuis, Mendoza arrive à Chartres et tout de gob, saute de
sa coche, court à la cathédrale et de prime, remercie de cette victoire la
Benoîte Vierge laquelle, si elle n’avait été de pierre, eût frémi de se voir
prier par ce méchant.
    — Parole digne d’un
huguenot ! dit Miroul sotto voce.
    — De la cathédrale, il se rue à
l’évêché où loge le Roi, brandit une lettre qu’il a reçue de Dieppe et avec une
emphase tout espagnole, huche à tue-tête : «  Victoria !
Victoria ! » Le Roi le reçoit, enfin, quiet, suave et bénin, et
lui dit sur le ton de la plus exquise politesse :
    — Hélas, Monsieur, hélas !
Je crains que mon bien-aimé cousin le Roi d’Espagne ne soit excessivement déçu
et chagrin d’apprendre, comme je viens de le faire, par un courrier de Dieppe,
que Drake lui a coulé douze vaisseaux et tué cinq mille hommes…
    — Sire, cela ne se peut !
dit Mendoza, pâlissant.
    — Hélas, Monsieur ! reprit
le Roi, plus doux que miel, cela s’est fait ! J’ai là dans ma cour trois
cents forçats turcs d’un vaisseau castillan échoué à Calais. Les voulez-vous
voir ?
    — Ces Turcs, dit Mendoza, avec
colère, sont les esclaves du Roi mon maître. J’exige qu’ils nous soient rendus !
    — Monsieur, mon Conseil va en
délibérer, dit le Roi sur le ton le plus uni en lui présentant la main,
laquelle Mendoza eût mordue en sa rage, s’il l’eût osé. Ne l’osant pas, il
court trouver le Guise, qui, l’assurant de son appui, parle au

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