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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les
barricadeux, fourrés par lui dans le même sac comme rebelles à son trône, alors
que le Guise ne voulait comme ennemis que les premiers, et comme amis que les
seconds.
    D’avoir tant parlé, et d’avoir parlé
de vin, donnant quelque soif à Quéribus, il me le dit et je fis un signe de
tête à Miroul, lequel saillit hors la librairie pour commander qu’on nous
apportât à boire, puis incontinent revint, étant lui-même affamé d’en ouïr
davantage, entendant bien que le sort du monde se jouait en ces heures où le
Guise et l’Armada menaçaient de ruine deux royaumes. Attachant sur
Quéribus, lequel s’accoisait dans l’attente d’être satisfait, ses beaux yeux
vairons, mon Miroul paraissait compter, comme moi-même, de ses toquements de
cœur, les minutes qui nous séparaient de l’avenir hasardeux.
    Tant est que le silence perdurant,
je me laissai aller à l’étonnement que la Reine-mère eût fait au Roi cette
étrange requête de retourner en Paris. Et y pensant, je faillis à résoudre et à
ce jour n’ai point résolu encore, si la Reine-mère, par cette demande qui, s’il
y avait consenti, eût mis son fils au péril de sa liberté et de sa vie,
s’avérait tout à fait monstrueuse ou tout à plein naïve. J’entends par « naïve »
qu’elle s’apensait, peut-être, que servant si bien les intérêts du Guise, elle
acquerrait assez de crédit auprès de lui pour protéger le Roi, si les choses
venaient au pire.
    Je le confesse, la question
m’assiège ce jour encore et me fait douter de l’esprit qu’on prête partout à
cette grande Machiavel. D’autant que Pierre de l’Étoile me dit, par ailleurs,
avoir lu une copie d’une lettre par elle adressée, bien des années auparavant,
à la Reine Elizabeth, par laquelle elle lui proposait de marier un de ses fils
à Mary Stuart, alors déjà prisonnière de ladite Reine ! Vous avez bien
ouï ! la catholique Mary Stuart, ex-Reine d’Écosse et prétendante, de sa
geôle même, au trône d’Angleterre, à qui Elizabeth avait autant de fiance que
dans le croc de la plus vipérine vipère (raison pour quoi elle la tenait
serrée), mariée à un fils de France, lequel eût pu, le cas échéant, soutenir
ses prétentions ! Peut-on imaginer projet, dessein ou propos moins apte à
séduire la souveraine à laquelle Catherine avec une candeur fort proche de la
plus balourde bêtise, avait le front de s’adresser ! En cette occurrence,
et en celle que je viens de dire touchant le retour du Roi en Paris (requête
funeste que le Roi, malgré « son bon naturel », ne lui pardonna
jamais) je ne peux trancher s’il faut la mettre au compte de la perfidie chez
une mère odieuse, ou d’une crédulité qui, chez cette vieille araignée des
intrigues, peut sembler incrédible. Lecteur, je te le laisse à décider. Car
pour moi, tenant Catherine en profonde détestation depuis la Saint-Barthélémy,
je me défie ici de mon jugement, et ne voudrais point, même à son sujet,
manquer à l’équité que tu attends de moi.
     
     
    — Mon frère, dit Quéribus,
lequel, après avoir bu, reprit son discours sur le ton de la conversation la
plus ordinaire, si fort que le Guise tordît le nez, et si long qu’il tirât la
face quand il ouït le Roi loger à même enseigne huguenots et barricadeux, cela
ne fut rien en comparaison du groin qu’il fit quand on annonça trois semaines
plus tard…
    — Quoi donc ? dis-je,
tandis qu’il s’accoisait.
    — La défaite de l’Invincible
Armada…
    — Vous ois-je bien ?
hurlai-je en me levant (et Miroul aussi). L’Armada défaite ! L’Invincible Armada vaincue ! En êtes-vous assuré ?
    — Tout à plein !
    — Sanguienne ! Est-ce un
fait ? Est-il constant ? Mon frère, avez-vous tous vos sens ?
    — Tous ! dit Quéribus en
riant. Suis-je fol ? Enfantelet en maillot ? Ou baveux
lunatique ?
    — La Vertudieu ! huchai-je
à gorge déployée et branlant des membres et du chef véritablement comme
quelqu’un qui aurait raison perdu, c’est moi le lunatique ! L’Armada vaincue ! Miroul, as-tu ouï ? L’Armada vaincue ! Mon
frère, que ne le disiez-vous de prime ?
    — Mon Pierre, dit Quéribus en
s’esbouffant, la main devant la bouche, il faut du ménagement et du degré dans
un récit comme dans une repue, et garder à la parfin, le bon pour la bonne
bouche !
    — Mais l’Armada, cornedebœuf ! l’Armada vaincue ! Ha ! Bonne
Angleterre ! Bons Anglais !

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