Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
Conseil en
faveur de la thèse espagnole.
    — La France, dit le Roi
doucement, ne reconnaît pas la condition d’esclave. Quiconque touche le sol de
France est par là même libre. J’opine donc qu’on rende au sultan, qui est notre
allié, ces pauvres Turcs.
    Cet avis qui, outre qu’il respirait
la justice, portait en lui je ne sais quoi de noble, l’emporta non sans quelque
âpre débat où on vit bien ceux du Conseil qui étaient guisards, ligueux et
gagnés à Mendoza, pour ce qu’ils osèrent parler contre.
    — Le Roi, dit Quéribus, à ce
que j’ouïs de François d’O, ne manqua pas de faire là quelques réflexions sur
les ministres défrancisés qui favorisaient l’Espagne et sur le remède qu’il
faudrait, à la parfin, apporter à leurs partialités.
     
     
    Mon Angelina n’accueillit pas mon
Quéribus d’un air excessivement riant, pour ce qu’elle se douta bien qu’il
allait, d’ordre du Roi, derechef me retirer d’elle, et dès qu’elle sut qu’elle
n’avait pas erré en ses conjectures, se jeta dans mes bras et se mit dans les
larmes, ce qui me donna l’exquis devoir de la conforter, fort ému moi-même, et
de sa beauté, et de son émoi, et de notre mutuelle tendresse que les années
n’avaient pas émoussée. Bien au rebours, il me semblait qu’elle se fût tant
aiguisée au fil des temps qu’elle pénétrait plus facilement nos cœurs –
après tant d’épreuves dont ils avaient triomphé – que lorsqu’ils étaient
encore peu assurés l’un de l’autre, et qu’un malentendu, par la male heure, les
aurait pu disjoindre.
    Encore qu’Angelina ait eu de moi six
enfants, sa beauté n’avait point perdu ses belles feuilles. Elle était moins
jeune, assurément, mais belle tout autant, quoiqu’en une autre guise, sans
lourdeur de taille ni d’embonpoint, le tétin haut et vigoureux et la face,
quoique portant quelques rides, plus suave et mollette qu’en ses années plus
vertes, l’œil toujours aussi splendide en son immensité, mais avec une douceur,
un don et un appel où se montrait perpétuellement l’appétit où elle était de
toujours ressentir le mien. En un mot, elle était infiniment plus touchante que
lorsque je l’avais connue et alors que mes sens, en mes jeunes années, avaient
galopé fort en avant de mon cœur, celui-ci maintenant les précédait, leur
donnait le chemin, et nourrissait leur sève. Car dès qu’elle se mettait dans
mes bras en sa flottante robe de nuit, défaite par ses larmes autant que par sa
vêture, j’éprouvais un attendrissement qui me faisait frémir et trémuler de la
nuque aux talons, tant est que je me fondais tout entier pour elle, éprouvant,
chose étrange, pour son être une sorte de pitié dont sourdait incontinent une
amour sans limite, laquelle, fortifiant la soif que j’avais de la prendre, ne
faisait, une fois satisfaite, que la multiplier.
    Elle quit de moi, sentant ses jambes
faibles, de la conduire à sa coite, où à mon côté s’étendant, elle m’envisagea
de ses doux yeux noirs, les plus beaux de l’univers, et me dit qu’elle se
désolait d’avoir ouï par Giacomi, qui lui en avait écrit, que notre logis en
Paris, dès que je l’eus quitté, avait été rompu et pillé par les ligueux, au
point qu’il n’y restait meubles ni tapisseries que ces saintes gens-là, en leur
zèle terrestre, n’eussent emportés. Me voyant de nouveau sur mon département,
elle craignait, dit-elle baissant la voix, de ne me revoir jamais… Et moi, la
voulant divertir de ce pensement funèbre, et à vrai dire m’en voulant divertir
aussi, je suivis ma naturelle pente qui était de la mignonner irrassatiablement
dès que je la tenais en mes bras, et en notre trouble présent, avec d’autant
plus d’ardeur et de chagrine joie que je savais, en effet, plus menacée ma
périssable chair.
    Nos tumultes finis, elle logea sa
tête et ses blonds cheveux épars dans le creux de mon épaule et me dit avec un
soupir :
    — Monsieur mon mari, devez-vous
vraiment rejoindre le Roi à Blois ? Que ferez-vous en ces États Généraux
où vous n’êtes pas élu ? N’avez-vous pas assez accompli ? Et ne
l’avons-nous pas payé assez cher par le saccage de notre maison de ville ?
Devez-vous hasarder derechef vos enfants, votre femme, votre seigneurie, votre
fortune et votre vie à ce périlleux service ? Ne peut-on s’y passer de
vous ?
    — Peut-on, dis-je, se passer du
plus petit rouage dans une

Weitere Kostenlose Bücher