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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mon frère,
dit Quéribus au bout d’un moment en m’aguignant du coin de l’œil, qu’êtes-vous
apensé de ce branle ?
    — Que c’est une grande
tourneboule que d’avoir amené ces nouveaux venants à jouer à cul levé avec les
créatures de la Reine-mère, celles-ci étant déplacées toutes, et rejetées dans
les ténèbres…
    — Et qu’en augurez-vous ?
    — Ce que vous en augurez,
dis-je en lui baillant un sourire à bec fermé.
    — Mais encore ?
    — Que le Roi est pour prendre
de grandes décisions dont il veut le secret.
    — Puisse le Seigneur Dieu vous
ouïr ! dit Quéribus avec une gravité qui était chez lui si peu coutumière
qu’elle me laissa béant. Savez-vous, reprit-il, que le Roi a exilé Chicot pour
trois mois ?
    — Quoi ! criai-je. Il a
cédé aux exigences du Guise ?
    — C’est ce que d’aucuns
croient.
    — Et que vous décroyez ?
    — Assurément, dit Quéribus.
J’ai souvent ouï le Roi déplorer qu’à vivre continuellement avec lui, son fol
sût tant de choses.
    — Où est le péril ? Il est
loyal.
    — Il est loyal, dit Quéribus,
mais plus bavard encore, tant est qu’il pourrait, dans les occasions, sacrifier
un secret à un bon mot. J’ai entendu dire qu’un jour dans la chambre du Roi, il
avait repassé son couteau sur la pierre du foyer en disant : « J’ai…
guise. »
    — C’est vrai, dis-je, j’étais
là.
    — La gausserie a déplu au Roi,
dit Quéribus, lui prêtant un pensement auquel il n’a jamais donné de mots.
    Ayant dit, il m’envisagea, je le
contrenvisageai, et jugeant l’un et l’autre que nous en avions assez dit, nous
nous tûmes d’un commun accord.
     
     
    Il nous fallut cinq jours pour
parvenir à Blois, et à dire le vrai, nous aurions pu y advenir plus vite si
Quéribus avait été moins soucieux de s’aiser aux étapes et d’y trouver les
commodités et plaisirs qu’il affectionnait. Afin que je n’y sois pas reconnu de
quelque ligueux, on ne demanda l’entrant dans la ville qu’à la nuitée, et par
une porte étroitement tenue par les gardes françaises dont Quéribus se fit
reconnaître grâce à la marque royale dont il était porteur. Il y avait, malgré
le tard de l’heure et à la lueur des torches et des lanternes, grand embarras
et va-et-vient de chevaux, de chaises à bras, de coches et de charrois en les
rues de Blois pour ce que, outre les cinq cents députés rassemblés là pour la
tenue des États Généraux, tant de hauts seigneurs, de cardinaux et d’évêques y
demeuraient pour cette occasion avec leur train, leurs gens et leurs escortes
que c’était merveille qu’on pût encore y loger une épingle. Et quant à moi, je
me faisais quelque souci pour ma nuit, quand Quéribus me dit que le Roi y avait
pourvu et qu’il comptait m’adresser avec mon Miroul à l’Auberge des deux
pigeons, où toute une aile avait été retenue pour y mettre une douzaine de
gentilshommes de sa garde des quarante-cinq, tous n’ayant pu coucher au
château.
    Je devais partager la chambre avec
deux d’entre eux, lesquels pourvoiraient à ma sûreté la nuit, et m’amèneraient
un barbier, qui me teindrait le cheveu, moustache et barbe en noir, et me
fourniraient vêture semblable à la leur afin que je ne sois pas d’eux
discernable quand, aux matines, ils iraient prendre leur service auprès du Roi,
le pourquoi de ma coloration n’étant pas seulement dans la déguisure de ma
face, mais pour que ma blondeur ne tranchât pas sur leur matité, ces quarante-cinq étant gascons, et quasi tous noirs de peau et de poil, comme
bien je le vis quand je fus à eux mêlé.
    À part Laugnac, qui m’avait, si on
se ramentoit, rudement arrêté et fouillé à la porte du Roi à mon retour de
Guyenne, je ne connaissais personne de ces quarante-cinq, lesquels
avaient ordre formel du Roi de ne hanter aucun habitant en la ville comme à la
Cour, mais de ne se tenir et fréquenter qu’entre soi, afin d’éviter qu’on les
corrompît, ou qu’on les empoisonnât, ou à tout le moins qu’on leur tirât les
vermes du nez. Pour cette raison, et pour éviter qu’on les prît dans les toiles
de quelque paillarde intrigue, ou qu’ils se livrassent par stridente luxure à
des forcements de fille, le Duc d’Épernon ou, à son défaut, son intendant Revol
(quand celui-ci n’était pas encore secrétaire d’État) ou à son défaut encore,
quelque commis, les garnissait en ribaudes achetées dont, tout le

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