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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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entra et dit au Roi que M me de Sauves suppliait Sa
Majesté de la vouloir bien recevoir, tant pour la remercier de son
émerveillable présent, que parce qu’elle avait un message à lui délivrer de la
part de la Reine-mère. À quoi le Roi consentit tout de gob et sur un signe
qu’il me fit, je me levai de mon escabelle et me retirai hors de la lumière du
chandelier dans le coin le plus sombre de la pièce, ayant peu de crainte, de
reste, que M me de Sauves me reconnût, pour ce que j’avais le cheveu
et la barbe teints en noir et portais en outre sur le chef, la toque de velours
des quarante-cinq.
    M me de Sauves, que l’on
continuait par habitude à appeler ainsi, encore qu’étant veuve de M. de Sauves,
elle avait remarié depuis le marquis de Noirmoutiers, entra dans le cabinet
neuf, précédée par M. de Nambu, et le Roi se levant alors avec sa coutumière
courtoisie (montrant toujours aux dames de la Cour, sauf en ses fureurs, les
plus grands égards) lui présenta la main et M me de Sauves se
génuflexa de la façon la plus gracieuse, son cotillon de satin rose pâle
s’évasant en corolle autour de sa fine taille et de sa généreuse gorge,
laquelle était à demi découverte par un décolleté descendant d’autant plus bas
sur le devant que montait plus haut contre la nuque la collerette en éventail
qui en était la plus belle garniture – étant de dentelle rose au point
d’Alençon et toute semée de perles –, affiquet de grand prix et d’un art
émerveillable qui eût dû retenir notre attention davantage que la courbe de son
tétin.
    Mais qui serait fol assez pour ne
pas préférer la perle à son écrin, d’autant qu’en sa blondeur de nacre, M me de Sauves était d’une grâce à laquelle les ans ne paraissaient pas toucher, non
point seulement quant au corps, mais quant à la face aussi, qui était à ce
point celle d’un ange que même le saint le plus clairvoyant s’y serait
peut-être trompé, pour ce qu’elle avait des yeux bleu azur, un teint de rose,
une bouche à rêver, un col long et flexible et je ne sais quoi dans la
physionomie de désarmé, d’enfantin et de touchant, à quoi même un tigre ne
serait pas resté insensible. Au reste, fort diablesse en son for et d’une
hauteur interne à se croire jà la Reine de France pour la raison qu’elle
coqueliquait avec le Magnifique, cependant de son déportement benoîte, suave,
pateline, chattemitesse, ne se relevant pas de sa génuflexion, mais restant aux
pieds du Roi, aux nôtres devrais-je dire aussi, car Du Halde, Bellegarde, Nambu
et moi l’envisagions, debout, avec les regards qu’on devine, tant est qu’elle
ne s’abaissait tant que pour nous dominer davantage et nous faire sentir tout
le joug de sa toute-puissante beauté.
    — Madame, de grâce,
relevez-vous, dit le Roi en lui tendant la main et en la conduisant à une escabelle.
    — Ha ! Sire ! dit M me de Sauves d’une voix douce, basse et musicale, votre condescension me touche
infiniment et je n’aurai jamais assez de grâces et de mercis pour vous dire ma
gratitude de l’émerveillable présent que vous me fîtes de vos boucles de
perles, lesquelles me sont d’autant plus chères que vous les avez portées, et
que je jure bien qu’à mon tour, je porterai d’ores en avant tous les jours que
Dieu fera jusqu’à la terminaison de ma terrestre vie.
    M me de Sauves continua
sur ce ton et dans ce style pendant dix grosses minutes, lesquelles, je
m’apense, parurent au Roi longues et lourdes, mais qu’il n’abrégea en aucune
façon, répondant à M me de Sauves en cette langue de Cour où il y va
de la civilité d’étirer en dix lignes la moindre phrase et d’employer dix mots
là où deux eussent suffi.
    — Sire, poursuivit M me de Sauves, sachant combien les affaires de l’État vous pressent et vous
occupent, je n’eusse pas supplié Votre Majesté de me recevoir, si la Reine-mère
ne m’avait pas commandé d’être son truchement pour la pressante invitation que
par ma bouche elle vous fait céans de la venir voir à deux heures de
l’après-midi en sa chambre, puisqu’elle la doit garder, M. de Guise se devant
trouver chez elle à cette heure, et Sa Majesté la Reine-mère, laquelle, ayant
ouï d’une sorte de refroidissement ou de froissement qui aurait eu lieu entre
vous hier après messe, se trouve fort désireuse d’y porter prompt remède afin
que vous vous accommodiez derechef l’un à l’autre pour le plus grand

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