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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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plus empêché par la remontrance d’un mort qu’il
ne l’avait été, celui-là étant vif. Cependant, la Franchou étant garce si
rondelette, fraîchelette et bénigne, je ne doutai point que mon père en la
disposition où je venais de le voir, la dût combler à nouveau : ce dont
j’augurai bien pour sa santé et gaillardie, le médecin l’emportant en moi sur
le moraliste, et plaise au lecteur de me le pardonner, s’il opine là-dessus
autrement.
     
     
    Mon Angelina m’avait écrit deux
lettres que j’avais relues si souvent dans le silence et la réclusion de mon
petit cabinet (y étant seulet, moi aussi, et mangeant mon rôt à la fumée, comme
on dit en Périgord) que mes yeux eussent à force usé le papier même, s’ils
l’avaient pu. Non qu’elles m’apportassent l’espoir que j’avais attendu d’elles
en les ouvrant, le confesseur de M. de Montcalm dont la vie, semblait-il, ne
tenait plus qu’à un souffle, usant de ce souffle encore pour détourner son
pénitent de l’enfer qui s’ouvrirait incontinent sous ses pieds, s’il osait bailler
sa fille à un hérétique. Le billet latin arraché à Pincettes, lequel, si bien
on se ramentoit, attestait que j’avais été baptisé en l’église romaine –
ce qui était constant – et que j’oyais la messe – ce qui ne fut vrai
qu’en trois ou quatre occasions – laissa inébranlable le zèle de ce
moribond qui, avant que de me marier, me voulait voir amender tout à plein en
la chapelle de Barbentane, quasiment à genoux, en chemise et le cierge à la
main, avouant les erreurs et fallaces de ma foi huguenote. Mon Angelina,
sachant bien qu’en raison de mon attachement au parti de mon père, on ne me
pourrait pousser à ces extrémités, trouvait son seul recours à prier le ciel de
rappeler à lui ce religieux qui à ce qu’elle opinait, méritait bien enfin
quelque repos pour l’avoir si bien servi. Ce qu’elle disait qu’elle faisait
avec une tant naïve innocence qu’elle me laissait mi-ému, mi-ébaudi.
     
     
    À la fin juin, moins de deux ans
après la Saint-Barthélemy la nouvelle nous parvint de la mort de
Charles IX en son Louvre le 30 mai, lequel, à ce que me conta plus
tard Pierre de l’Étoile, agonisa en de tourmentants remords d’avoir versé tant
de sang lors du massacre tristement famé des nôtres en Paris, montrant ainsi
plus de cœur que la Médicis qui conçut et décida la chose sans battre un cil,
l’imposa à son fils par de tortueux mensonges et ne se repentit mie.
    — Monsieur mon frère, dit
Catherine, en entrant à la nuitée la chandelle à la main, dans mon petit
cabinet à l’heure où je m’allais coucher, j’ai ouï dire que le Roi était mort.
La chose est-elle sûre ?
    — Elle l’est. Mon père la tient
du sénéchal de Sarlat.
    — Que la paix soit à sa pauvre
âme ! dit Catherine en se signant. Ayant fait, elle ne put que sa face ne
resplendît de joie. C’est donc, poursuivit-elle, que le Duc d’Anjou va quitter
Varsovie pour s’en revenir en ce royaume ?
    — Il est certain, dis-je, qu’il
préférerait, s’il le peut, régner en France qu’en Pologne.
    — S’il le peut ! dit-elle,
son bel œil bleu agrandi par la soudaine angoisse que lui donnait ce
« si ».
    — C’est qu’il n’est pas
certain, Catherine, que ses bons sujets polonais, qui ont été à tant de peine à
se trouver un Roi, le laissent départir, maintenant qu’ils le tiennent.
    — Quoi ! dit Catherine en
redressant la crête d’un air fort encoléré, ses sujets oseraient le tenir
prisonnier ! Ah ! Méchant frère ! cria-t-elle, vous vous
gaussez !
    — Nenni ! dis-je avec un
sourire. Il n’est de vous que de le quérir à votre père : il vous le dira
comme moi. Mais ma sœur, poursuivis-je, ne vous alarmez pas si vite ! Le
Duc d’Anjou est un grand capitaine. Il trouvera bien quelque subterfuge pour se
dérober, lui et sa suite.
    Cette «  suite  »
annula le «  si  », et amiella si bien ma petite sœur Catherine
que, posant sa fine main sur mon épaule, elle me dit :
    — Ha ! Mon Pierre !
Quand on vous envisage, combien étrangement vous ressemblez au baron de
Quéribus !
    — On le dit. Mais je ne suis
pas tant beau, ajoutai-je en riant. Nous sommes apensés, l’un comme l’autre,
que je suis l’ébauche et qu’il est le dessin achevé.
    — Cela est bien vrai, dit-elle.
    À quoi je ris. Rire auquel elle ne
prit point garde, étant toute à son

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