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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa voix ?
    — Aussi me suis-je bien apensé
que c’est lui. Mais il fait nuit. Il a une forte escorte. Et je ne veux point
la herse relever ni l’huis déclouir que mon maître me le commande.
    — Monsieur mon fils cadet, dit
le baron de Mespech, voulez-vous y aller ?
    Ha ! Je fis plus qu’y
aller : j’y courus ! j’y volai ! J’y fus en un battement de
cils ! Et mettant le torse hors du fenestrou du châtelet d’entrée, je
criai dans la nuit :
    — Quéribus ! mon petit
œil ! Est-ce-toi ?
    — C’est je, mon Pierre, à n’en
douter point ! À peu que je n’aie crevé mes chevaux pour arriver
céans ! Comment se porte (il allait dire Catherine, mais se bridant, reprit
un ton plus bas) le baron de Mespech ?
    — Fort bien, criai-je en riant,
et Catherine à merveille !
    — Ha ! Mon frère !
dit-il et n’en put dire davantage.
    — Au diable cette herse et cet
huis ! criai-je, je ne les peux relever et déclouir et cet Escorgol se
traîne en nos murs comme escargot sur son ventre. Ventre Saint-Denis,
Escorgol ! criai-je, Escorgol ! Par ici ! À l’herse. À
l’huis ! À moi !
    — Ha ! Moussu ! cria
de loin Escorgol tout à plein hors de vent, n’ayant jamais poussé tant vite
devant lui son nez et sa bedondaine, lesquels pesaient un tel poids de charnure
que c’était miracle qu’il ne fût pas tombé sur eux en chemin, ha !
Moussu ! Espérez un petit ! Il n’y a point le feu !
    — Le feu ! dis-je, mais en
français pour qu’il ne m’entendît pas, je vais te le bouter aux fesses pour te
catapulter céans !
    À quoi mon Quéribus rit comme fol et
à la parfin, après un grand branle et grincement de ferrailles, de ferrures et
de déverrouillages, nous fûmes dans les bras l’un de l’autre, chacun toquant de
la paume le dos de l’autre et nous entrebaisant à la fureur.
    Je dis à Escorgol d’accommoder du
mieux qu’il put les chevaux et l’escorte, et entraînai à la course mon Quéribus
jusqu’à la grand’salle où, dès qu’il fut entré, saluant mon père, il ne put
qu’il ne trahît quelque désarroi à ne pas voir l’objet de sa dilection.
Désarroi qu’il put en douleur celer quand, s’enquérant de M. de Sauveterre, il
apprit qu’il n’était plus. Sur quoi, mon père l’ayant fait à sa dextre asseoir,
et commandé qu’on lui garnît une écuelle d’argent, entreprit le récit de l’âpre
combat de Marcuays contre les gueux et de la mortelle navrure que le
co-seigneur y reçut. Conte que mon Quéribus ouït, la mine triste et l’oreille
courtoise et gloutissant ses viandes à l’aveuglette, ayant l’œil à s’teure sur
mon père fixé, à s’teure sur le viret par où il cuidait que Catherine allait
entrer et tout à plein vainement, pour ce qu’elle ne parut pas de tout le
repas, soit que son attifure consumât tant de temps, soit peut-être qu’elle
voulût aiguiser par le retardement l’appétit qu’on avait à la voir et dont elle
devait bien s’apenser qu’il croissait de minute en minute, le sien n’étant pas
moindre, mais cependant, davantage en son commandement, comme le voulait
l’astuce que le Créateur a baillée à son suave sexe en compensation de la force
qu’il a en moins.
    Sitôt la repue finie, mon père
emmena Quéribus en la librairie pour ce qu’il voulait laisser place en la
grand’salle à l’escorte, laquelle, après avoir dessellé et pansé leurs montures
en nos écuries, ne pouvait qu’elle n’eût gorges sèches et dents aiguës après sa
longue chevauchée, la Maligou et Barberine s’affairant, et elles-mêmes fort
affriandées à nourrir ces friands, lesquels étaient beaux et vigoureux à donner
de la jaleuseté à ceux de Mespech. Mais, la Dieu merci pour eux, et aussi pour
notre économie huguenote, ils devaient dès le lendemain loger, avec leur
maître, chez Puymartin, lequel étant cousin de Quéribus, se serait offensé, si
le baron s’était paysé ailleurs qu’en sa maison.
    Mon pauvre Quéribus s’asseyant en la
librairie à la droite de mon père, dans le grand et roide siège que Sauveterre
avait occupé pendant tant d’années, tâchait de faire bonne mine contre son
désespoir à voir se prolonger l’absence de Catherine, se demandant si sa place
en son cœur pendant son long et froidureux exil n’avait point été prise par
quelque gentilhomme du Sarladais, mon père, à dire le vrai, ne s’étant engagé
avec lui qu’à demi, comme on s’en

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